Naftali Bennett, qui se vantait d'avoir «tué beaucoup d'Arabes», nouveau Premier ministre israélien

Naftali Bennett, qui se vantait d'avoir «tué beaucoup d'Arabes», nouveau Premier ministre israélien© Ronen Zvulun Source: Reuters
Naftali Bennett au parlement israélien, à Jérusalem, le 13 juin 2021.
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En prenant le poste de Premier ministre dans le cadre d'une nouvelle coalition hétéroclite à la tête d'Israël, le très religieux Naftali Bennett succède à son ancien mentor Benjamin Netanyahou, dont il reprend nombre de positions, en plus radical.

«Je comprends que ce ne soit pas un jour facile pour beaucoup aujourd'hui, mais ce n'est pas un jour de deuil, c'est un jour de changement, de changement de régime dans une démocratie.» Lors de sa prise de parole le 13 juin devant le Parlement israélien, le nouveau Premier ministre de l'Etat hébreu Naftali Bennett a dû essuyer les huées de ses opposants.

Le changement, c'est maintenant ?

Ce millionnaire de la tech de 49 ans prend la suite de son ancien allié et mentor Benjamin Netanyahou, tombé en disgrâce en raison, notamment, de ses démêlés avec la justice pour corruption. Le désormais ancien Premier ministre a en effet été écarté après un vote de confiance à une coalition hétéroclite qui va de la droite à la gauche, en passant par l'appui d'un parti arabe. Une «coalition du changement», comme Naftali Bennett l'a promis dans son premier discours en tant que chef de l'exécutif.

Un «changement», vraiment ? Si Benjamin Netanyahou a été renvoyé à un poste de chef officiel de l'opposition, son successeur ne semble pour autant pas en rupture avec la politique de celui qui a passé douze ans au pouvoir. Naftali Bennett, entré en politique en 2006, s'est frayé un chemin en naviguant habilement à la droite de Netanyahou, avec sa formation Yamina, un jeune parti qui prône à la fois un ultra-libéralisme économique, une certaine ouverture sur les questions sociétales... mais aussi l'annexion de près des deux tiers de la Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël. Le nouveau Premier ministre a ainsi expliqué que l'existence d'un Etat palestinien serait un «suicide national».

Naftali Bennet s'est imposé en figure incontournable du «camp nationaliste», expression consacrée en Israël pour désigner ceux qui penchent du centre droit jusqu'à la droite dure. «Je suis dans une position confortable, toujours un peu à la droite de Bibi [Benjamin Netanyahou]. Quand je m'exprime sur les questions diplomatiques ou sécuritaires, il va finir par monter d'un cran pour me rattraper», disait-il lorsqu'il était encore son ministre.

Un chef de gouvernement très religieux

Naftali Bennett a longtemps tenu le rôle de «faiseur de roi» des coalitions formées par Benjamin Netanyahou, sans jamais réussir lui-même de grande performance électorale. Il n'a par exemple pas dépassé le seuil d'éligibilité aux législatives 2019, devant abandonner son siège de député. Avant de le retrouver quelques mois plus tard. Le voilà qui a finalement porté le coup final à son ex-mentor. Son ralliement surprise à la nouvelle alliance hétéroclite qui va de son parti de droite à la gauche, en passant par l'appui d'un parti arabe, a été négocié au prix fort : le poste de Premier ministre jusqu'en 2023.

«Je savais que je serais critiqué», a-t-il expliqué à la télévision, alors que certains sympathisants de droite l'affuble sur internet, lui, l'ancien représentant des colons, du keffieh palestinien. «J'ai choisi ce qu'il fallait faire pour le bien d'Israël», a assuré celui qui devient le premier chef de gouvernement de l'Histoire du pays à porter une kippa. La sienne, de type sruga («tricotée»), marque son appartenance au sionisme religieux, comme le précisent L'Obs et Orient XXI.

Vous grimpiez encore aux arbres alors qu'un État juif existait déjà

Marié à Gilat Bennett, pâtissière de formation, et père de quatre enfants, il suit une pratique stricte du judaïsme. Né le 25 mars 1972 à Haïfa, ce fils d'immigrants américains diplômé en droit a servi dans Sayeret Matkal, l'unité d'élite de Tsahal (comme... Benjamin Netanyahou), participant aux guerres du Sud-Liban et notamment à l’opération «Raisins de la colère» de 1996 contre le Hezbollah, au cours de laquelle a eu lieu le bombardement de Cana. Selon plusieurs médias israéliens, le commandant Bennett aurait joué un rôle important dans le bombardement de ce village libanais qui accueillait un bâtiment des Nations unies où de nombreux civils avaient trouvé refuge, pour un bilan de 102 civils et quatre Casques bleus de l’ONU tués.

Il s'est par la suite imposé comme une figure de la start-up nation que revendique être Israël, avec son entreprise de cybersécurité Cyotta, créée en 1999. Spécialisée dans la lutte contre la fraude en ligne, l'entreprise a été vendue pour 145 millions de dollars à l'américain RSA Security en 2005. En 2013, il a également touché un fort pourcentage sur la vente à 130 millions de dollars de Soluto, service de stockage numérique qu'il a brièvement dirigé pendant trois mois en 2009, au moment d'une levée de fond essentielle au démarrage de l'entreprise. «Dès qu'il a vu que nous pouvions nous débrouiller seuls, il est parti. C'est grâce à lui que nous avons reçu notre financement», décrivait alors Yishai Green, l'un des co-fondateurs, cité par Haaretz.

Bras droit puis «faiseur de roi» pour Netanyahou

Il entre en 2006 au Likoud, le parti pour lequel a toujours voté sa famille, et devient chef de cabinet de Benjamin Netanyahou, alors dans l'opposition. «Ils se parlent en anglais. Netanyahou a vu très tôt en Bennett un homme à sa hauteur, l'un des rares capables de le remplacer», a expliqué à L'Express Yom-Tov Kalfon, avocat et colistier de Bennett aux dernières législatives. Deux ans plus tard, il quitte le parti pour diriger le Conseil de Yesha, principale organisation représentant les colons israéliens en Cisjordanie, qui sont devenues son fonds de commerce politique, même s'il n'a jamais vécu dans l'une de ces implantations. En 2012, il prend les rênes de Foyer Juif (ex-Parti national religieux), le mouvement historique des colons qui s'est ensuite greffé à d'autres micro-partis pour former Yamina, laissant les discours les plus radicaux à de nouveaux partis. 

A l'image de Bennett qui veut aujourd'hui s'imposer, à la tête de la coalition, en homme du rassemblement et prône le «consensus», alors qu'il a multiplié pendant longtemps les prises de position nationalistes. Pour Naftali Bennett, il n'y a pas d'occupation israélienne en Cisjordanie car «il n'y a jamais eu d'Etat Palestinien». Et les «terroristes doivent être tués, pas libérés», avait-il dit à propos de prisonniers palestiniens. En 2010, alors qu'il dirigeait le Conseil de Yesha, il avait lancé au cours d'un débat avec le député arabe israélien Ahmad Tibi : «Je vais le dire simplement et clairement. La terre d’Israël est à nous, elle nous a appartenu longtemps avant que l’islam ne soit créé [...] Vous grimpiez encore aux arbres alors qu'un État juif existait déjà.»

J'ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie, et ça ne me pose aucun problème

Trois ans plus tard, lors d'une discussion de cabinet rapportée par le quotidien Yedioth Ahronoth, et consacrée à la stratégie à adopter envers les «terroristes», il assène : «J'ai tué beaucoup d’Arabes dans ma vie, et ça ne me pose aucun problème.» Face au tollé, le cabinet de Naftali Bennett plaide alors, auprès du Times of Israel, une «mauvaise interprétation» des propos et assure qu'il parlait de tuer des combattants ennemis dans le cadre d'opérations militaires.

Habitué des prises de position parfois extrêmes, celui qui a occupé cinq portefeuilles ministériels entre 2013 et 2019 (Affaires religieuses, Économie, Diaspora, Éducation et Défense) traduira-t-il ces déclarations en véritable projet politique ? Auprès de l'AFP, Evan Gottesman, de l'Israel Policy Forum, estime qu'il s'est trouvé une «image faite sur mesure pour un public qui cherche désespérément un remplaçant légitime à Netanyahou». Ahmad Tibi, député arabe israélien et opposant à Naftali Bennett, livre pour sa part sa vision du personnage au Monde : «Il est l’un des hommes de droite les plus radicaux d’Israël. Mais il tente de le cacher par ambition. Ses partenaires du centre désirent tant se débarrasser aujourd’hui de Netanyahou qu’ils sont prêts à le blanchir.»

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