La guerre dans la région du Tigré en Ethiopie déborde dans des régions voisines
- Avec AFP
Les combattants du FLPT ont annoncé avoir ouvert un nouveau front dans la région Afar afin de chasser des miliciens alliés au gouvernement venus de l'Oromia. Huit mois après son éclatement dans le nord de l'Ethiopie, le conflit déborde.
Les combattants du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), qui luttent contre les forces du gouvernement fédéral éthiopien, ont affirmé le 18 juillet avoir mené des opérations dans la région Afar, ouvrant un nouveau front dans leur lutte contre les autorités éthiopiennes qui dure depuis huit mois.
Cette «action très limitée» aurait, selon ces combattants, visé des miliciens alliés au gouvernement venus de l'Oromia, la région la plus étendue et la plus peuplée du pays, qui avaient pris position le long de la frontière entre l'Afar et le Tigré, selon le porte-parole du FLPT, Getachew Reda.
«Nous avons mené ces opérations pour nous assurer que ces forces seront renvoyées en Oromia», a-t-il déclaré, sans pouvoir préciser le nombre de victimes de part et d'autre. «Il s'agissait d'une action très limitée destinée à disperser ces milices de paysans dont la plupart étaient contraints de participer à cette guerre inutile», a ajouté Getachew Reda.
Le Tigré est en proie depuis huit mois à un conflit dévastateur qui a connu un tournant majeur fin juin, avec la reprise par les combattants opposés au gouvernement fédéral d'une grande partie du territoire de cette région du nord de l'Ethiopie.
Le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, prix Nobel de la paix en 2019, avait envoyé l'armée fédérale au Tigré en novembre dernier pour destituer les autorités régionales, issues du FLPT. Selon lui, cette opération répondait à des attaques attribuées au groupe armé, visant des camps de l'armée fédérale. Le FLPT a dominé le pouvoir éthiopien pendant trois décennies avant de passer dans l'opposition en 2018.
Le conflit se poursuit malgré la proclamation de la victoire par le gouvernement en novembre
Abiy Ahmed a proclamé la victoire fin novembre après la prise de la capitale régionale Mekele. Mais les combats ont continué et le conflit a connu un tournant inattendu fin juin avec la reprise de Mekele par les forces pro-FLPT, forçant Abiy Ahmed à déclarer un cessez-le-feu unilatéral, et à retirer la plupart des troupes fédérales de la région. Les combattants du FLPT ont alors lancé une nouvelle offensive pour chasser les forces de la région voisine de l'Amhara de territoires disputés dans l'ouest et le sud du Tigré. Promettant de les repousser, Abiy Ahmed a mobilisé des forces régionales, venues notamment de l'Oromia, pour combattre au côté de l'armée fédérale.
Un porte-parole de la région Afar n'était pas en mesure de répondre aux questions de l'AFP sur cette attaque du 18 juillet, mais un communiqué diffusé le 17 juillet au soir par l'agence de presse officielle Ethiopian News Agency a accusé le groupe armé de bloquer l'aide humanitaire à destination du Tigré depuis l'Afar, par des «pilonnages d'artillerie lourde».
«Rejetant le cessez-le-feu du gouvernement fédéral, le FLPT fait tout ce qu'il peut pour étendre le conflit à la région Afar», accuse le communiqué. Le porte-parole des combattants a quant à lui démenti ces informations : «Là où les combats se sont déroulés, il n'y a aucun axe routier utilisé pour l'acheminement de l'aide.»
Le FLPT, «cancer pour l'Ethiopie» selon le Premier ministre éthiopien
Le porte-parole a confirmé le 18 juillet que des unités séparatistes étaient également actives dans le nord de la région Amhara, où la semaine dernière des journalistes de l'AFP ont vu des milliers de miliciens déployés à la frontière avec le Tigré.
Dans un communiqué le 18 juillet sur Twitter, le Premier ministre Abiy Ahmed a qualifié le FLPT de «cancer pour l'Ethiopie». Lorsque Mekele fut reprise par le FLPT, ses responsables ont annoncé détenir plus de 7 000 soldats éthiopiens prisonniers, dont plusieurs milliers ont été contraints de défiler à travers les rues de la ville. Plus de 1 000 d'entre eux ont été relâchés le 16 juillet, avec l'aide de la Croix-Rouge, comme l'a rapporté le 18 juillet Getachew Reda.
«Nous allons continuer à prendre des mesures pour assurer la libération de ces soldats innocents, dont la plupart ont été forcés ou trompés pour s'engager», a-t-il commenté, tout en soulignant que des enquêtes avaient été ouvertes pour identifier ceux d'entre eux qui auraient commis des crimes de guerre au Tigré. «Ceux qui sont impliqués seront jugés», a-t-il ainsi promis. Le porte-parole a également démenti les accusations d'Addis-Abeba, qui faisait état de la présence d'enfants-soldats dans les rangs des forces du FLPT.
«Des enfants veulent parfois aider les soldats et il est courant qu'ils les aident à transporter du matériel, y compris des armes. Alors quelqu'un prend une photo et après des gens veulent vous faire croire que nous mobilisons des enfants soldats», assure le porte-parole des combattants du Tigré, ajoutant : «Nous n'avons pas besoin d'enfants-soldats car nous avons un nombre extraordinaire de volontaires qui nous rejoignent.»