Les livraisons de missiles Taurus à l’Ukraine ne sont pas capables d’inverser le cours du conflit, affirme le PDG de Rheinmetall

Le PDG de Rheinmetall estime que les missiles Taurus, dont l’Allemagne envisage l’envoi à Kiev, ne permettront pas de changer la situation sur le front. Les États-Unis, de leur côté, ont attendu des mois avant de livrer leurs ATACMS, par manque de stock. Jake Sullivan lui-même a reconnu que cette aide tardive n’a eu aucun impact stratégique.
En Allemagne, le débat sur la livraison de missiles de croisière Taurus à l’Ukraine reste vif. Le PDG du géant de l’armement Rheinmetall, Armin Papperger, a déclaré dans une interview au Handelsblatt publiée ce 17 avril que « les missiles Taurus ne changeront rien au déroulement du conflit ». Il estime que l’Allemagne ne dispose que de quelques centaines d’exemplaires, dont beaucoup sont hors service, et que cela n’aurait aucun impact réel sur le terrain.
Selon Papperger, l’Ukraine possède déjà des missiles similaires, comme les Storm Shadow fournis par le Royaume-Uni, et cela n’a pas modifié l’équilibre du conflit. Il ajoute: « Ce ne sont ni les missiles, ni les drones qui changeront quoi que ce soit sur le terrain. Ce qui peut faire la différence, ce sont les munitions d’artillerie classiques ». Rheinmetall prévoit ainsi d’augmenter considérablement la production de munitions, avec jusqu’à 1,5 million d’obus par an destinés à l’Europe.
Cette déclaration intervient dans un contexte particulier puisque le leader du parti CDU, Friedrich Merz, qui devrait être élu en mai chancelier par le Parlement, a évoqué le 13 avril la possibilité d’autoriser des livraisons de Taurus à Kiev, sous réserve de coordination avec les partenaires européens. Une option qui suscite déjà de fortes critiques, y compris au sein de l’industrie allemande de l’armement.
Mise en garde officielle de Moscou
La réaction de Moscou ne s’est pas fait attendre. Ce 17 avril, la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a déclaré que « tout tir de missile Taurus sur un objectif russe sera considéré comme une participation directe de l’Allemagne au conflit ». Ses propos soulignent que de tels tirs ne seraient possibles qu’avec l’aide opérationnelle directe des militaires allemands, ce qui impliquerait Berlin dans les hostilités aux côtés de Kiev.
Maria Zakharova a rappelé que Friedrich Merz avait explicitement désigné le pont de Crimée comme une cible potentielle. Elle a qualifié cette approche de « dangereuse » et de « provocatrice », dénonçant un comportement aligné sur une logique terroriste. Selon elle, ce type d’escalade aurait des conséquences graves pour l’Allemagne elle-même.
Elle a également accusé le régime de Kiev d’être devenu un instrument des puissances occidentales et de maltraiter ses propres soldats, affirmant que les prisonniers ukrainiens capturés par la Russie disent avoir été mieux traités par l’armée russe que par leurs supérieurs dans les forces armées ukrainiennes.
Pénurie de missiles ATACMS et aveu américain
Outre-Atlantique, les États-Unis ont également montré leurs limites dans le soutien militaire à l’Ukraine. Les missiles ATACMS, attendus depuis longtemps par Kiev, n’ont été livrés qu’après une longue période d’hésitation. Jake Sullivan, ancien conseiller à la sécurité nationale, a expliqué lors d’un discours à Harvard ce 16 avril que cette lenteur s’expliquait par une pénurie de stocks. Selon lui, le Pentagone avait averti la Maison Blanche que ces armes étaient indispensables aux besoins militaires américains et ne pouvaient pas être transférées.
Ce n’est qu’une fois la production relancée que Washington a pu fournir les ATACMS. D’après Associated Press, les forces ukrainiennes auraient déjà épuisé tout les stocks depuis janvier dernier. À ce jour, les États-Unis ne seraient plus en mesure de leur en livrer davantage.
Des résultats militaires inexistants
Jake Sullivan a lui-même reconnu que les ATACMS n’ont pas été décisifs. Il a aussi précisé que la crainte d’une « escalade » avec la Russie avait joué un rôle au début du conflit, mais que cette perception a évolué entre 2022 et 2024.
Comme le rappelle le New York Times, les missiles ATACMS ont été utilisés dans le cadre d’une tentative de frappe sur le pont de Crimée, lors d’une opération conjointe entre les forces ukrainiennes, américaines et britanniques. Cette opération, appelée « Lunar Hail », visait une centaine de cibles. Malgré ces efforts, aucun impact stratégique n’a été observé.