Kosovo : un ancien commandant de l'UCK condamné à 26 ans de prison pour crimes de guerre
Salih Mustafa, ancien commandant de l'UCK, organisation paramilitaire indépendantiste albanaise du Kosovo, a été condamné à 26 ans de prison par le tribunal spécial pour le Kosovo pour crimes de guerre, notamment meurtre et actes de torture.
Le tribunal spécial pour le Kosovo (KSC), basé à La Haye, aux Pays-Bas, a condamné ce 16 décembre Salih Mustafa, ancien commandant de l'UCK, organisation paramilitaire indépendantiste albanaise du Kosovo, à 26 ans de prison pour des crimes de guerre.
La juge Mappie Veldt-Foglia, s'adressant à Salih Mustafa, a déclaré que la cour le condamnait «à une peine unique de 26 ans d'emprisonnement». Il a été reconnu coupable de meurtre et d'actes de torture lors du conflit entre la Serbie et sa province du Kosovo (1998-1999). Il a notamment torturé des prisonniers dans une étable transformée en centre de détention clandestin et dirigé par l'UCK.
Le premier verdict du KSC pour crimes de guerre
Selon le tribunal, des prisonniers, au moins six Albanais de la province du Kosovo qui étaient accusés de collaborer avec les Serbes, ont été frappés avec des battes de baseball, des barres de fer, ont subi des électrocutions et des brûlures et ont été privés d'eau et de nourriture dans cette étable de Zlas, village situé à quelques kilomètres à l'est de Pristina.
La juge a fait valoir que les prisonniers avaient été détenus «dans des granges pour animaux, dans des conditions déplorables au milieu d'excréments de bétail». Mappie Veldt-Foglia a ajouté que lorsque les détenus avaient demandé de l'eau, les soldats de l'UCK leur avaient «uriné dessus en disant : "Voici de l'eau pour vous."».
Toujours d'après la cour, Salih Mustafa a lui-même participé aux tortures de deux de ces détenus, dont l'un est décédé. Il a donc été reconnu coupable de meurtre, torture et détention arbitraire, trois crimes de guerre.
Mappie Veldt-Foglia a par ailleurs remarqué qu'il s'agissait «du premier jugement pour crimes de guerre de ce tribunal» créé en 2015 et ayant pour mission d'enquêter sur les crimes commis par l'UCK pendant et après le conflit avec la Serbie. Rattaché au droit kosovar, le KSC est composé de juges internationaux et basé à La Haye, afin de protéger les potentiels témoins des possibles pressions et menaces qui pourraient être exercées contre eux par des anciens membres de l'UCK, qui occupent pour certains des places de choix dans l'administration autoproclamée du Kosovo.
Après son arrestation, en 2020, alors qu'il était employé par le ministère de la Défense en tant que conseiller du ministre, Salih Mustafa avait comparé le KSC à la «Gestapo». Durant son procès, 30 témoins se sont succédé à la barre et ce verdict est le premier du KSC portant spécifiquement sur des crimes de guerre.
En effet, deux verdicts avaient déjà été rendus en 2021, mais concernaient deux anciens membres de l'UCK poursuivis pour avoir intimidé plusieurs témoins. Ils avaient tous deux été condamnés à quatre ans et demi de prison.
Des anciens hauts responsables de l'UCK bientôt jugés
De nombreux autres anciens hauts responsables de l'UCK restent encore poursuivis par le KSC pour crimes de guerre ou contre l'humanité dont Ramush Haradinaj, qui se revendiquait alors Premier ministre du Kosovo lors de son inculpation en 2019, ou encore le président autoproclamé de la région, Hashim Thaçi, qui avait démissionné le 5 novembre 2020, et qui est accusé par le KSC de «crimes contre l'humanité et de crimes de guerre, y compris meurtre, disparition forcée de personnes, persécution et torture». Il s'était dit prêt lors de son inculpation à «collaborer étroitement avec la justice».
Le KSC a également lancé plusieurs procédures contre d'autres représentants comme Kadri Veseli, ancien patron du renseignement de l’UCK et président, jusqu'en novembre 2020, du Parti démocratique du Kosovo (ancienne branche politique de l’UCK), dont le fondateur n’est autre qu’Hashim Thaçi, mais également contre Jakup Krasniqi, ancien porte-parole de l’UCK, qui avait été arrêté à Pristina et transféré à La Haye en novembre 2020.
Des tensions récentes dans la province du Kosovo
La condamnation de Salih Mustafa survient alors que la région du Kosovo a connu un regain de tension ces derniers jours. En effet, après des incursions de la police des autorités autoproclamées de Pristina, les Serbes encore présents dans la région du Kosovo ont mis en place des barrages routiers dans plusieurs villages.
De son côté, le président serbe Aleksandar Vucic a appelé les Serbes et les Albanais du Kosovo à préserver la paix tout en regrettant les «mensonges à propos de ce qui se passe sur le terrain». «Elle [la police albanaise] s’est introduite avec des unités spéciales [dans les territoires du Kosovo peuplés par des Serbes] aujourd’hui», avait-il ainsi déclaré il y a quelques jours, accusant la communauté internationale de prétendre ne pas voir ce qu’il se passe.
De plus, le contexte politique local, à l'approche des élections dans les municipalités à majorité serbe, a également été la source de discordes, poussant la présidente de la république autoproclamée du Kosovo, Vjosa Osmani, à les repousser au 23 avril prochain alors qu'elles devaient se tenir le 18 décembre.
La guerre du Kosovo aura fait plus de 13 500 morts et se sera soldée par une campagne de bombardement de 78 jours sur la Serbie menée par l’OTAN – sans l’aval des Nations unies – forçant l’armée serbe à se retirer de la région pour en remettre l’administration à la Force pour le Kosovo (KFOR).
Le Kosovo, alors province serbe, proclamera finalement son indépendance de manière unilatérale en février 2008. Il est aujourd’hui reconnu par les Etats-Unis et de nombreux pays occidentaux, mais pas par la Chine, la Russie, l’Inde ou encore l’Espagne.