«Pas de violences irréparables» contre les Gilets jaunes ? Les propos de Macron font scandale
Peu après le G7, Emmanuel Macron a abordé la gestion du mouvement des Gilets jaunes, lors duquel le pire a selon lui «été évité». Il a ajouté qu'il n'y avait pas eu de «violences irréparables». Des personnalités lui ont rappelé certains faits.
Invité du journal télévisé de France 2 le 26 août, quelques heures après la clôture du G7 à Biarritz, Emmanuel Macron s'est livré à l'exercice périlleux, mais désormais traditionnel, de l'«en même temps». Objectif : tenter d'expliquer les centaines de blessés (parfois graves, voire mutilés) survenus en marge du mouvement des Gilets jaunes.
Evoquant une «folie collective» qui serait apparue lors de certains épisodes de la mobilisation, le président de la République affirme : «La violence était telle qu'il n'était pas possible de dire, d'un seul coup : "On arrête les LBD, on désarme" [...] Il fallait quand même que l'ordre soit tenu. Et il n'a pas été tenu d'une manière où il y a eu ce que j'appellerais des violences irréparables. Le pire a été évité grâce [au] professionnalisme [des forces de l'ordre].»
Et le chef de l'Etat d'évoquer, en même temps, les «blessures [...] inacceptables» survenues parmi les forces de l'ordre et les manifestants, appelant à mener des enquêtes et à prendre d'éventuelles sanctions le cas échéant. «Tout au long de cet période, il n'y a pas eu de mort à déplorer», poursuit-il, mettant toutefois de côté l'affaire Steve, «entre les mains de la justice», et la «mort suspecte» de Zineb Redouane, octogénaire décédée à Marseille après avoir été touchée au visage par des morceaux de grenade lacrymogène alors qu'elle se trouvait à sa fenêtre, un jour de manifestation.
Gilets jaunes : "Il fallait que l'ordre soit tenu... Il n'y a pas eu de violences irréparables", d'après Emmanuel Macron. pic.twitter.com/yWWCKaXW8o
— franceinfo (@franceinfo) August 26, 2019
Avocats, politiques et blessés contestent la vision d'Emmanuel Macron
Interrogé par France Info le 27 août, Arié Alimi, avocat membre du bureau national de la Ligue des droits de l'homme et conseil de plusieurs Gilets jaunes, a évoqué des «mots terribles et profondément dangereux» d'Emmanuel Macron. «Que penseriez-vous d'un homme qui, face aux familles de ces personnes mortes, mutilées, qui ont perdu un membre ou un œil, leur dirait qu'il n'y a pas eu de violences irréparables ?», a-t-il aussi questionné.
L'avocat et conseiller régional Nouvelle Aquitaine Europe-Ecologie Les Verts Jean-François Blanco s'est également scandalisé : «Ainsi perdre une main, perdre un œil ne serait pas "irréparable". La novlangue insupportable de Macron pour évoquer les "mutilations" infligées aux victimes des violences policières.»
Ainsi perdre une main, perdre un œil ne serait pas « irréparable ». La novlangue insupportable de Macron pour évoquer les « mutilations » infligées aux victimes des #violences policières #Antoine@karl_laske@srebierehttps://t.co/cGYNc5kzwC
— BLANCO Jean-François (@jfblancoMI) August 27, 2019
Le chef de file du parti Gauche démocratique et sociale Gérard Filoche a lui publié une photo montrant les portraits de dizaines de blessés lors des mobilisations des Gilets jaunes, avec Emmanuel Macron au premier plan.
— Gerard Filoche (@gerardfiloche) 27 août 2019
Pour le psychanalyste Gérard Miller, proche de La France insoumise (LFI), «ce qui est sidérant dans le choix d’un adjectif aussi inapproprié, c’est l’absurde déni qu’il suppose et qui ne trompe personne».
Pour le président, la police n’a pas commis de violences « irréparables ». Ce mot est terrible, a dit avec raison la Ligue des droits de l'homme. Mais ce qui est sidèrant dans le choix d’un adjectif aussi inapproprié, c’est l’absurde déni qu’il suppose et qui ne trompe personne.
— Gérard Miller (@millerofficiel) August 27, 2019
La conseillère de Paris LFI Danièle Simonnet s'interroge elle aussi : «Pour Macron, la police n'a pas commis de «violences irréparables» durant le mouvement des Gilets jaunes ? Et Zineb Rédouane ? et les yeux en moins à cause des LBD ?»
Pour #Macron la police n'a pas commis de «violences irréparables» durant le mouvement des gilets jaunes ? Et Zineb Rédouane ? et les yeux en moins à cause des LBD ? https://t.co/HSubWa4Fkt
— Danielle Simonnet (@Simonnet2) August 27, 2019
Le journaliste David Dufresne qui tient à jour le nombre de manifestants blessés depuis le mois de novembre 2018 a réagi sur Twitter : «"Inacceptables mais pas irréparables", vraiment ? Rappelons : - deux morts, - 24 éborgnés, - 5 mains arrachées, - des estropiés, des lycéens blessés déscolarisés, des mutilés désocialisés, etc.»
«Inacceptables mais pas irréparables», vraiment?
— David Dufresne (@davduf) August 26, 2019
Rappelons:
- deux morts,
- 24 éborgnés,
- 5 mains arrachées,
- des estropiés, des lycéens blessés déscolarisés, des mutilés désocialisés, etc. https://t.co/8RecLlm0dB
Fiorina Lignier, éborgnée lors d'une manifestation parisienne des Gilets jaunes (et qui a par ailleurs été numéro deux sur la liste identitaire de Renaud Camus «La Ligne claire» pour les européennes de 2019), a diffusé sur Twitter un cliché de son scanner du crâne, en affirmant : «Macron parle de violences "inacceptables mais pas irréparables". J'ai perdu un œil et mon visage n'est plus le même, ce n'est pas "réparable".»
Macron parle de violences "innaceptables mais pas irréparables".
— Fiorina Lignier (@LignierFiorina) August 27, 2019
J'ai perdu un oeil et mon visage n'est plus le même, ce n'est pas "réparable".
(Mes scanners après le choc)
#GiletsJaunes
#Fiorinapic.twitter.com/Ml26gyMK0i
En neuf mois de manifestation des Gilets jaunes, le bilan est de 11 morts (la plupart lors d'accidents de la route) selon Libération et de plus de 4 100 blessés selon Mediapart (en additionnant manifestants et forces de l'ordre).