Après ses échecs en Irak et en Afghanistan, Washington ne veut plus faire couler le sang de ses soldats, préférant utiliser des Saoudiens prêts à mener des guerres ingagnables en son nom, selon l'analyste géopolitique Sharmine Narwani.
Lors de son premier voyage à l'étranger en tant que président, Donald Trump a signé une série d'accords avec l'Arabie saoudite pour un total de plus de 350 milliards de dollars sur dix ans. Y compris un accord de vente d'armes de 110 milliards de dollars qui entre immédiatement en vigueur.
Donald Trump entend rencontrer un certain nombre de dirigeants arabes, selon lui «partout dans le monde musulman». L'Iran, cependant, n'est pas au programme.
RT : Donald Trump vient de signer un contrat d'armement d'une valeur de 110 milliards de dollars avec l'Arabie saoudite. Comment cette nouvelle sera-t-elle perçue aux Etats-Unis et, plus largement, dans la communauté internationale ?
Sharmine Narwani (S. N.): Pas très bien. Nous avons vu ce que les Saoudiens ont fait de leurs armes au cours des six dernières années. Pour comprendre pourquoi cette administration continue de vendre toujours plus d'armes aux Saoudiens, nous devons revenir un peu en arrière. En 2010-2011, au début du printemps arabe, les Saoudiens ont signé des contrats faramineux, pour plus de 65 milliards de dollars. Nous voilà quelques années plus tard. Et le chiffre atteint 110, voire 300 milliards. La raison est qu'après les échecs de l'intervention américaine en Irak et l'invasion de l'Afghanistan, les Américains n'ont plus envie de voir couler leur sang et dépenser leur argent, et cherchent à utiliser des intermédiaires locaux pour mener leurs guerres. Et l'Arabie saoudite est prête et capable de mener des guerres en Syrie, en Irak et au Yémen, au nom de l'administration américaine. Mais malheureusement, en vain : ce ne sont pas des guerres susceptibles d'être gagnées. Et à ce stade, je pense que Donald Trump considère Riyad comme une vache à lait.
La paix signifie le statu quo, c'est à dire continuer à maintenir l'hégémonie des Etats-Unis dans la région, mais ce n'est pas possible si l'Empire est en déclin
RT : Donald Trump dit à qui veut l'entendre qu'il souhaite contribuer au retour de la paix au Moyen-Orient. Mais signer des contrats d'armement aussi énormes envoie-t-il le bon signal ?
S. N. : La paix est un terme relatif. D'abord, qu'est-ce que les Américains et l'administration Trump entendent par la paix ? La paix [pour les Etats-Unis] signifie le statu quo, c'est à dire continuer à maintenir leur hégémonie dans la région, mais ce n'est pas possible si l'Empire est en déclin. Je pense donc que ce que nous voyons dans l'administration de Donald Trump dirigée par Jared Kushner, son gendre, c'est la création de ce qu'on appelle l'OTAN arabe, ce qui implique un accord de paix dans le conflit israélo-palestinien, dans le cadre duquel les Saoudiens, les pays du Golfe et d'autres pays sunnites seront d'accord pour une sorte de solution visant à coopérer avec Israël pour cibler l'Iran. Nous allons donc observer une escalade, pas la paix.
RT : Donald Trump a critiqué l'approche du pays à l'égard des droits des femmes. Vous attendez-vous à ce que ce sujet surgisse lors de son déplacement ?
S. N. : Non. Je pense que cette administration a clairement fait savoir que les droits de l'homme ne seraient pas la priorité. Je ne sais pas si c'était le cas avant. Mais dans le cas présent, ils disent ouvertement que ce n'est pas la priorité, que les intérêts prévalent et continueront de l'emporter dans cette administration.
Donald Trump va se retrouver dans une impasse en essayant de s'en prendre à la République islamique et de s'immiscer dans les affaires du Moyen-Orient
En tant qu'homme d'affaires, ce qu'il répète à l'envi, son mantra restera d'aller de l'avant dans le domaine de la politique étrangère, là où il peut «faire des affaires au bénéfice de la trésorerie des Etats-Unis» et d'aider à rendre sa grandeur, son efficacité et sa richesse à l'Amérique. Je pense que ces considérations occupent évidemment une place importante dans ses relations avec les Saoudiens, ayant par le passé évoqué la richesse indicible des Saoudiens. Il a même mentionné l’ordre de grandeur de 1 000 milliards de dollars pour qualifier tout l’argent qu’il était possible de soutirer à ce pays. Et il va le faire, parce que Donald Trump n'a pas besoin des Saoudiens, seulement de leur argent.
Il croit, à mon avis, pouvoir facilement s'enrichir grâce aux Saoudiens et les utiliser pour poursuivre son objectif d'isoler l'Iran et peut-être même l'attaquer pour tourner la situation à son avantage. Il va se retrouver dans une impasse, comme la plupart des dirigeants américains au cours des dernières décennies, en essayant de s'en prendre à la République islamique et de s'immiscer dans les affaires du Moyen-Orient.
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