François Hollande participait ce jeudi 14 avril à l’émission Dialogues citoyens, qui a réuni 3,5 millions de téléspectateurs contre 9,9 millions en février. Le politologue Thomas Guénolé décrypte cette intervention du président.
R.T : François Hollande s’exprimait face à quatre français dans Dialogues citoyens, est-ce une opération de communication réussie selon vous ?
Thomas Guénolé : Non, ce n’est pas une opération réussie, d’ailleurs tout les commentateurs et les journalistes sont d’accord pour dire que cela a été un échec. Pour tout vous avouer, je m’attendais à ce que ça soit un échec. François Hollande est objectivement en état d’échec sur des résultats concrets. Autant sur les priorités de la gauche que sur celles des Français en général : les mauvais chiffres du chômage, l’augmentation des inégalités, l’augmentation du mal logement, l’échec de la lutte antiterroriste, le bilan de la politique internationale… la liste est longue.
François Hollande est arrivé les mains vides, il est juste venu pour avoir une conversation avec quatre Français.
Au vu de cette situation, la dernière chose à faire en communication est d’aller expliquer aux Français que le bilan est mieux que ce qu’ils croient, ce n’est pas la bonne approche. Et puis c’est faux, le bilan est mauvais et les chiffres le prouvent.
Si le Président avait eu des annonces très importantes à faire - de grandes réformes ou un changement de cap politique - l'émission aurait pu avoir un intérêt. Mais, François Hollande est arrivé les mains vides, il est juste venu pour avoir une conversation avec quatre Français.
Nous avons perdu notre temps
Depuis Charles de Gaulle, les présidents peuvent monopoliser l’antenne d’un ou plusieurs médias. Lorsqu’un président décide de le faire, les journalistes, les commentateurs, les classes politiques se mobilisent : ils sont comme convoqués par le president. Mais on ne nous a rien annoncé. Voilà pourquoi, au lendemain de son intervention, c’est la déception, l’agacement et la consternation. L’émission a duré presque deux heures, la population française, les journalistes, les commentateurs tout le monde avaient des attentes, et comme à l’issue de ces deux heures il ne s'est rien passé, nous avons perdu notre temps.
#DialoguesCitoyens Dès vendredi midi, il ne restera rien dans les mémoires de cette intervention de @fhollande. Alors à quoi bon ?
— Thomas Guénolé (@thomas_guenole) 14 avril 2016
R.T : Le président est au plus bas dans tous les sondages, toutes les enquêtes d'opinion. Il y a quelques jours, une enquête Elabe pour BFMTV montrait que 9 Français sur 10 jugeaient négativement le bilan de François Hollande. D'après vous, est-il encore possible pour le président de changer la tendance ?
T.G : A mon avis il est trop tard. Peu importe les réformes qui pourraient être lancées aujourd’hui. Je n'en vois aucune qui pourrait avoir un impact positif concret suffisamment rapide pour inverser la tendance. Les réformes ne permettent pas ça. Il n’a plus le temps de mettre en place un vrai changement de cap politique. François Hollande est un peu comme ces étoiles mortes qui brillent encore parce qu’elles sont loin : il brille encore mais il est déjà perdu.
François Hollande est un peu comme ces étoiles mortes qui brillent encore parce qu’elles sont loin
Aujourd’hui la gauche doit répondre à cette question : est-ce qu’il faut sauver la gauche ou sauver François Hollande ? Pour garder la gauche il faut sacrifier François Hollande. On voit déjà un certains nombres de personnalités politiques et d’intellectuels qui ont signé des appels pour des primaires à gauche. D’ailleurs, pendant l’émission Dialogues citoyens, François Hollande a expliqué qu’il donnerait sa réponse pour sa candidature aux élections de 2017 «à la fin de l’année», mais le PS a d’ores et déjà adopté le principe d'une primaire en décembre. François Hollande est en train de dire qu’il se fiche des primaires.
R.T : Le président interrogé sur la montée du FN en France, a expliqué qu'il se considérait comme responsable, comment interprétez-vous cette phrase ?
T.G : C’est une bonne chose que le président reconnaisse que les partis et le gouvernement ont une responsabilité dans la montée du FN. Il a d’ailleurs fait un effort d’argumentation face à l’électeur du Front national présent sur le plateau, en essayant d’apporter des éléments concrets. Après, d’un point de vue rhétorique la meilleure argumentation pour contrer le FN reste la démonstration par l’absurde.
R.T : De façon plus général, ce genre d’intervention télévisée est-elle efficace pour les hommes politiques ?
T.G : Ces interventions télévisées sont dues à l’omniprésence des publicitaires dans l’entourage des hommes politiques. C’est un raisonnement idiot qui part du principe qu’une bonne télé peut compenser de mauvais résultats.
Le meilleur slogan du monde ne rattrapera jamais quatre ans de mauvais chiffres sur le chômage
C’est de la communication publicitaire, alors que la communication politique voudrait se focaliser sur les résultats qui fonctionnent et les mettre en avant, apporter des propositions concrètes par rapport aux préoccupations des électeurs. Le meilleur slogan du monde ne rattrapera jamais quatre ans de mauvais chiffres sur le chômage, on enraille pas une dégringolade en faisant une bonne TV, ça n’est pas vrai.
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