Pourquoi il est peu probable que l'Ukraine adhère de manière accélérée à l'UE
Alors que Volodymyr Zelensky continue de pousser pour accélérer le processus d'adhésion de Kiev à l'UE, les Vingt-Sept ont refroidi ses ardeurs et insistent sur la nécessité de réforme de l'Ukraine, dont la corruption endémique pose problème.
Depuis le début de l’opération militaire lancée par la Russie le 24 février – que l'Union européenne n'aura pu empêcher notamment du fait de l'incapacité à faire respecter par Kiev le volet politique des accords de Minsk – l'Ukraine fait pression pour accélérer son processus d'adhésion à l'UE.
Début juillet, le président Volodymyr Zelensky a de nouveau fait part de sa frustration face à la lenteur du processus. «Cela fait 115 jours que nous sommes candidats. Et notre parcours vers l’entrée dans l’UE ne doit pas durer des années ou des décennies. Nous devons parcourir cette route en vitesse. Faire notre part du travail de façon parfaite, de façon à permettre à nos amis de l’Union européenne de prendre une autre décision historique pour nous», a-t-il ainsi déclaré sur son fil Telegram, cité par l’agence italienne Adnkronos le 1er juillet.
Le jour même, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avait en effet assuré Kiev du soutien des Vingt-Sept à son adhésion, tout en mettant le holà à ses ambitions sur la rapidité du processus, soulignant que la route serait «longue». Principale pierre d'achoppement pour un pays qui reçoit des milliards d'euros d'aide depuis le début du conflit : la corruption endémique.
Si elle avait loué dans un discours en visioconférence devant les députés ukrainiens les réformes déjà menées et les institutions mises en place pour créer «une machine anti-corruption impressionnante», le problème est encore loin d'être réglé selon la présidente de la Commission européenne. «Désormais ces institutions ont besoin de moyens d'action et des bonnes personnes aux postes de responsabilités. Il convient que le nouveau chef du parquet spécialisé dans la lutte contre la corruption et le nouveau directeur du Bureau national ukrainien de lutte contre la corruption soient nommés dès que possible», a déclaré celle qui dirige l'exécutif européen.
Outre le fait de disposer d'«institutions stables» et d'une «économie de marché fonctionnelle» – deux points déjà questionnables en ce qui concerne Kiev – l'entrée de l'Ukraine dans l'UE présuppose donc une amélioration sensible de sa lutte contre la corruption. Or il semble bien que le chemin à parcourir à ce sujet sera «long» comme l'a souligné Ursula von der Leyen : selon l'indice de perception de la corruption de l'ONG Transparency International publié en janvier, l'Ukraine se place en 122e position sur 180 pays, derrière la Zambie ou encore les Philippines.
Ne pas «baisser les standards» de l'UE
Rien d'étonnant dès lors à ce que la Belgique, l'Espagne, l'Italie, le Danemark ou encore les Pays-Bas aient fait part en avril de leurs réserves quant à une future inclusion de l'Ukraine. L'octroi du statut de candidat à Kiev le 23 juin dernier a donc été conditionné à la mise en place de réformes profondes, qui prendront du temps.
C'est en substance ce que qu'avait fait savoir le chancelier allemand Olaf Scholz quelques semaines auparavant, se montrant fermement opposé à l'idée de donner un «raccourci» à l’Ukraine en vue d’une adhésion à l’UE qui, d’après lui, ne sera pas «une affaire de quelques mois ou quelques années». Même son de cloche en France, où le ministre délégué aux Affaires européennes Clément Beaune avait jugé que l'entrée de l'Ukraine dans l'UE prendrait «sans doute 15 ou 20 ans».
Pour contourner ce problème et ne pas «baisser les standards» de l'UE en accordant à Kiev une adhésion accélérée, le président français Emmanuel Macron avait de son côté émis une autre idée, proposant la proposant la création d'un nouvel ensemble : une «communauté politique européenne». «L'UE ne peut pas être à court terme le seul moyen de structurer le continent européen», avait estimé le président français, jugeant que ce socle, dont les formes qui restent «à définir» pourrait être un «espace de coopération politique, de sécurité, de coopération».
Mais, si le chancelier allemand avait qualifié l’idée «très intéressante», elle convainc beaucoup moins du côté de Kiev : pour Volodymyr Zelensky, toute alternative à la candidature de l'Ukraine serait un «compromis» avec la Russie.