Etats-Unis : les données du vaccin de Pfizer disponibles dans 75 ans ? Le bras de fer se poursuit
A la suite de la demande d'une association de médecins, la FDA a été contrainte par la loi de publier les données relatives au vaccin de Pfizer, ce qu'elle fait au compte-goutte. Une bataille juridique est en cours pour accélérer le processus.
Les données du vaccin à ARNm de Pfizer contre le Covid-19 – sur lesquelles s'est basée le régulateur américain des médicaments (la Food and Drug Administration, FDA) pour valider sa mise sur le marché – ne sont pas un secret, mais elles sont malgré tout bien gardées.
Fin août, l'association Public Health and Medical Professionals for Transparency a soumis une requête à la FDA pour qu'elle divulgue toutes les données sur lesquelles l'agence s'est appuyée pour valider l'homologation du vaccin, en vertu du droit à la liberté de l'information (Freedom of Information Act, FOIA).
[Un rythme] si lent que les documents ne seront pas entièrement produits jusqu'à ce que presque tous les scientifiques, les avocats et la plupart des Américains qui ont reçu le produit de Pfizer soient morts de vieillesse
Quelques jours plus tard, l'association a porté sa demande devant la justice, qui a tranché en sa faveur. Contrainte par la loi à s'exécuter, la FDA, qui assure défendre une «transparence totale», ne semble toutefois pas pressée. L'agence a effet demandé à un juge fédéral de pouvoir publier les documents au compte-gouttes, à savoir à un rythme de 500 pages par mois, arguant qu'elle ne pouvait faire mieux avec ses effectifs et la nécessité d'effectuer un «examen ligne par ligne, mot par mot» avant de produire les documents. Mais avec – selon le décompte initial – quelque 329 000 pages à publier, cela signifiait que dans ces conditions, le public ne disposerait pas de la totalité de ces informations avant 55 ans, soit en 2076.
La FDA demande un délai supplémentaire de 20 ans
Une position qui a irrité au plus haut point l'Association, dont l'avocat Aaron Siri a fait remarquer qu'il avait fallu seulement 108 jours à la FDA pour étudier les documents afin d'homologuer le vaccin... et qu'il était donc pour le moins surprenant qu'elle ait besoin de 55 ans pour délivrer au public les informations le concernant.
«[Un rythme] si lent que les documents ne seront pas entièrement produits jusqu'à ce que presque tous les scientifiques, les avocats et la plupart des Américains qui ont reçu le produit de Pfizer soient morts de vieillesse», s'est ainsi insurgé Aaron Siri, demandant pour sa part à ce que les informations soient symboliquement divulguées dans les 108 jours, soit le temps qu'a pris la FDA pour valider le vaccin.
La Cour a alors ordonné aux deux parties de présenter des arguments à l'appui de leurs positions respectives le 6 décembre. Loin de se laisser décontenancer, la FDA a accepté de produire 12 000 pages d'ici deux mois... mais a maintenu son cap de 500 pages par mois pour le reste des documents, à une exception près. Expliquant aux plaignants qu'elle avait en fait - selon son nouveau décompte - environ 451 000 pages à publier, elle demande donc de fait à ce que le délais soit repoussé de 20 ans, et à avoir jusqu'en... 2096 pour produire les documents en question. D'ici 75 ans.
«Si vous trouvez ce que vous lisez difficile à croire – c'est parce qu'il est dystopique pour le gouvernement de donner des milliards à Pfizer, d'obliger les Américains à s'injecter son produit, d'interdire aux Américains de poursuivre [Pfizer] pour préjudice, mais de refuser de laisser les Américains voir les données relatives à sa mise sur le marché», a réagi Aaron Siri dans un billet.
La bataille juridique qui se joue est encore loin d'être terminée, les deux parties campant sur leurs positions. Le 14 décembre, une audience s'est d'ailleurs tenue sur l'affaire à Fort Worth au Texas, de laquelle rien n'a filtré pour l'heure. De son côté, le département américain de la Justice, interrogé par l'agence Reuters n'a pas fait de commentaire.
Des milliers de réactions potentiellement liées au vaccin répertoriées
Parmi les premiers documents publiés pour l'heure par la FDA, figurent notamment des données récoltées par la société d'Albert Bourla durant les trois premiers mois suivant la distribution de son vaccin dans le monde. Il s'agit principalement de signalements de potentiels effets indésirables effectués par plusieurs pays, en majorité les Etats-Unis.
Dans ces pages, sont répertoriés 158 893 «événements» observés chez des personnes ayant été vaccinées avec Pfizer entre décembre 2020 et fin février 2021, mais pour lesquels le lien avec la vaccination n'est pas nécessairement établi. Allant de troubles légers à sérieux, ceux-ci portent sur un peu plus de 42 000 cas (25 379 médicalement confirmés, et 16 707 non-médicalement confirmés). Le nombre total de personnes vaccinées avec le produit sur la période observée n'est en revanche pas précisé dans ce document accessible en ligne.
Le document rapporte, entre autres, plus de 25 000 incidents de «troubles du système nerveux» (catégorie dans laquelle figurent notamment les migraines), 17 000 troubles musculo-squelettiques et du tissu conjonctif ainsi que 14 000 troubles gastro-intestinaux. Parmi les potentiels effets indésirables du vaccin, toute une série d'affections auto-immunes ont par ailleurs été signalées, ainsi que des cas d'herpès, d'épilepsie, d'insuffisance cardiaque ou encore d'accidents vasculaires cérébraux.
Les chiffres donnés par Pfizer listent, sur les 42 086 cas signalés, 19 582 personnes remises totalement, 520 remises avec des séquelles et 11 361 non encore remises au moment du rapport. 1 223 décès sont rapportés. Le statut de 9 400 personnes est en outre classifié comme «inconnu».
«Les données [...] confirment une balance bénéfice : risques favorable de BNT162b2 [vaccin Pfizer contre le Covid-19]», concluait le document. Mais, alors que les autorités américaines multiplient les mesures pour imposer le vaccin le plus largement possible à la population, les citoyens devront-ils attendre 75 ans pour en avoir le cœur net ?
Frédéric Aigouy