19 morts lors de manifestations en Colombie : l'ONU dénonce un «usage excessif de la force»
Les Nations unies ont fermement condamné «l'usage excessif de la force» par les forces de sécurité lors de manifestations en Colombie contre une réforme fiscale. Un bilan officiel fait état de 19 morts et de près de 850 blessés.
Ce 4 mai, les Nations unies ont fermement condamné «l'usage excessif de la force» par les forces de sécurité lors de manifestations en Colombie contre un projet de réforme fiscale du gouvernement. Alors que le bilan communiqué par les autorités est de 19 morts dont un policier et près de 850 blessés dont au moins 306 civils, l'ONU se dit particulièrement inquiète quant à la situation dans la ville de Cali, en raison d'informations non confirmées faisant état de davantage de morts et de blessés.
Les manifestants appellent à «arrêter le massacre»
Rassemblés autour du slogan «Arrêtez le massacre», les manifestants sont descendus dans les rues de plusieurs villes le 3 mai, après que Nicolas Guerrero, 22 ans, a été tué d'une balle dans la tête à Cali. Selon les manifestants, la balle aurait été tirée par la police anti-émeute. Cette nouvelle série de manifestations s'est étendue de cette ville du sud-ouest jusqu'à la capitale, Bogota, ainsi qu'à Medellin et Barranquilla, dans le nord de la Colombie.
«Nous sommes profondément alarmés par les événements dans la ville de Cali en Colombie, où la police a ouvert le feu sur des manifestants qui s'opposent à une réforme fiscale, tuant et blessant un certain nombre de personnes», a déclaré Marta Hurtado, porte-parole du Haut commissariat aux droits de l'homme, lors d'un point de presse de l'ONU à Genève. Elle a également appelé au calme en amont d'une nouvelle journée de manifestations prévue le 5 mai.
«Notre bureau en Colombie est en train de vérifier le nombre exact de victimes et déterminer comment ce terrible incident a pu survenir à Cali», a souligné Marta Hurtado, ajoutant que des défenseurs des droits de l'homme avaient également fait état de menaces et de harcèlements. «En raison des tensions extrêmes, avec des soldats et des policiers chargés de contrôler les manifestations, nous appelons au calme», a-t-elle par ailleurs déclaré, avant de «rappeler aux autorités gouvernementales de protéger les droits de l'homme», y compris le droit de manifester pacifiquement. La porte-parole a également tenu à rappeler que «les armes à feu ne doivent être utilisées qu'en dernier recours».
Le gouvernement du président Ivan Duque a déployé l'armée dans certaines régions pour maîtriser les troubles, notamment à Cali, où les manifestations ont viré aux émeutes et aux pillages.
Un projet de réforme fiscale malvenu dans un pays touché par la crise
Depuis plusieurs jours, les manifestants s'opposent au projet de réforme fiscale présenté par le gouvernement qui vise à collecter environ 6,3 milliards de dollars entre 2022 et 2031 alors que le pays est touché de plein fouet par la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Comme le rapporte France 24, le PIB (produit intérieur brut) du pays a chuté de 6,8% en 2020 et l'opposition considère que cette réforme va affaiblir la classe moyenne. Si les manifestants ont fait reculer les autorités sur ce projet précis – le président Ivan Duque ayant annoncé le retrait du projet le 2 mai – le gouvernement n'a pas pour autant renoncé à la volonté de réformer le secteur de la fiscalité.
Le ministre des Finances Alberto Carrasquilla a démissionné le 3 mai, en déclarant qu'il souhaitait donner au gouvernement une certaine marge de manœuvre après le retrait du projet de taxe, qu'il avait contribué à élaborer. Le même jour, le ministre de la Défense Diego Molano a accusé lors d'une conférence de presse les manifestants d'entretenir des liens avec des groupes armés, citant les groupes de guérilla communistes FARC – officiellement dissoutes en 2017 après un accord de paix – et l'Armée de libération nationale (ELN). Il a néanmoins refusé de partager les preuves de ses allégations avec les journalistes.