Rayé d'un rapport sur les droits fondamentaux au Parlement européen, Assange toujours sous écrous
En attendant la décision britannique sur l'extradition de Julian Assange, celui-ci est enfermé dans une prison de haute sécurité. Les députés européens ont massivement rejeté un amendement faisant référence à son cas.
A l'image de la chancelante mobilisation du monde journalistique en faveur de Julian Assange, les initiatives visant à obtenir sa libération (communiqués, tribunes, pétitions...) restent pour l'heure infructueuses. De même, les soutiens politiques du fondateur de WikiLeaks font souvent face à l'indifférence de leurs pairs concernant la détention arbitraire de celui qui a participé à rendre possibles les fuites d'information d'intérêt général les plus massives du XXIe siècle.
Douloureuse indifférence pour les défenseurs de la liberté d'informer, comme en témoigne le cri de colère de Clare Daly, une eurodéputée irlandaise qui a fait part d'un récent épisode à ce sujet au Parlement européen...
Les députés européens s'opposent à un amendement mentionnant Assange
Comme l'a écrit Clare Daly le 25 novembre sur Twitter, l'écrasante majorité des députés européens a en effet rejeté un amendement faisant référence à l'affaire Assange, qu'elle avait proposé d'incorporer à un rapport dédié à la situation des droits fondamentaux au sein de l'UE sur la période 2018-2019.
«191 votes pour, 408 contre et 93 abstentions», a fait savoir l'eurodéputée qui appartient au groupe des parlementaires européens de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL).
S'il soulignait le rôle fondamental des lanceurs d'alerte, l'amendement en question pointait aussi les pressions récurrentes auxquelles pouvaient être confrontés journalistes et médias sur le Vieux continent, se basant précisément sur «la détention et les poursuites judiciaires criminelles visant Julian Assange». Cette proposition d'amendement faisait référence à une résolution adoptée le 28 janvier 2020 par le Conseil de l'Europe au sujet des «menaces sur la liberté des médias et la sécurité des journalistes en Europe». Pour rappel, le Conseil de l'Europe est une organisation intergouvernementale distincte de l'UE, dont la création remonte à 1949 et qui compte aujourd'hui 47 Etats membres.
«Hier j'ai proposé un choix : tergiverser en surface sur les droits fondamentaux ou mettre en œuvre la charte européenne [des droits fondamentaux]. La position du parlement européen est désormais claire», a commenté l'eurodéputée irlandaise. Fait notable, entre autres parlementaires qui, selon la liste publiée par Clare Daly, se sont opposés à son amendement, figure notamment Nathalie Loiseau, tête de liste de la liste macroniste aux dernières élections européennes.
#AssangeAmendment44 has been defeated. 191 votes for (+), 408 against (-) and 93 abstentions (0).
— Clare Daly (@ClareDalyMEP) November 25, 2020
Yesterday I offered a choice: waffle on in generalities about fundamental rights or implement the 🇪🇺 Charter.
It's now clear what side @Europarl_EN is on.https://t.co/NTlKEreK44pic.twitter.com/6dCjLxKstg
Julian Assange, toujours sous écrous
A l'heure où nous écrivons ces lignes, Julian Assange est incarcéré depuis 596 jours dans la prison de Belmarsh, un établissement britannique de haute sécurité situé dans la banlieue est de Londres et qui dépend des services pénitentiaires de Sa Majesté.
La dernière série d'audiences du procès sur sa potentielle extradition vers les Etats-Unis s'est achevée le 1er octobre 2020, après quatre semaines de débats où il a été question de sa déontologie, de la liberté de la presse mais aussi du danger qu'il encourt en cas d'extradition. Alors que la décision britannique est prévue pour le 4 janvier 2021, nombre d'observateurs continuent de dénoncer la détention arbitraire du journaliste australien et appellent à sa libération.
Mais, triste ironie du sort pour le ressortissant australien sous écrous, parmi ceux qui l'ont jadis encensé et qui seraient aujourd'hui en position de mettre un terme au calvaire qu'il traverse depuis presque une décennie, d'aucuns font désormais preuve d'un silence assourdissant. On pense en premier lieu à Donald Trump qui, lors de sa campagne présidentielle en 2016, avait affirmé «adorer WikiLeaks». Toutefois, durant son mandat, le locataire de la Maison Blanche n'a visiblement pas réussi à faire preuve d'un engagement à la hauteur de son adoration...
En France, l'actuel garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a pour l'heure préféré ignorer ceux qui lui ont récemment rappelé son engagement dans le dossier. Et de fait, au mois de février dernier, la star du barreau français avait annoncé son intention de demander audience à Emmanuel Macron afin d'étudier les possibilités d'accorder l'asile à Julian Assange.
Décidément, la cohabitation semble difficile entre la soif de justice pour Julian Assange affichée par certains, et leur accession aux sphères les plus hautes du pouvoir politique...
Fabien Rives