Serbie et Kosovo signent à la Maison Blanche un accord sur la «normalisation économique»
- Avec AFP
Le président serbe et le Premier ministre kosovar ont signé, à la Maison Blanche sous les yeux de Donald Trump, un accord sur une «normalisation économique» censé contribuer à régler l'un des plus épineux conflits territoriaux en Europe.
«La Serbie et le Kosovo se sont engagés en faveur d'une normalisation économique», a annoncé le 4 septembre le président des Etats-Unis, Donald Trump, depuis le Bureau ovale.
«Cela a pris des décennies car il n'y avait personne pour tenter le coup», a-t-il assuré, ajoutant qu'«il y avait beaucoup de disputes et maintenant il y a beaucoup d'amour [...] l'économie peut rassembler les gens».
Présenté comme «historique» par la Maison Blanche, cet accord ne règle toutefois pas a priori le différend politique profond entre la Serbie et son ancienne province. Belgrade refuse de reconnaître l'indépendance proclamée en 2008 par le Kosovo dans le sillage de la guerre de la fin des années 1990, qui a fait 13 000 morts. Et la Serbie est soutenue sur ce dossier par la Russie et la Chine, tandis que les Etats-Unis figurent parmi ceux qui avaient immédiatement reconnu le nouvel Etat kosovar.
Les dirigeants serbe et kosovar étaient réunis depuis le 3 septembre à Washington sous la médiation de Robert O'Brien, conseiller à la sécurité nationale du président Trump, et de l'émissaire américain Richard Grenell. Ce sommet de Washington, inhabituel dans un processus traditionnellement mené par les Européens, visait officiellement à promouvoir le seul «renforcement des relations économiques» entre les deux pays.
Le président Aleksandar Vucic a remercié son homologue américain pour son «bon travail» sur ce dossier et l'a invité en Serbie. Le Premier ministre kosovar, Avdullah Hoti, a aussi salué cette avancée.
La Serbie ne reconnaît pas le Kosovo
Sur Facebook, le président du Kosovo Hashim Thaci, qui a dû renoncer à participer aux négociations après avoir été accusé en juin par la justice internationale de crimes de guerre, a lui aussi félicité Donald Trump et salué «l'amitié éternelle» entre son pays et les Etats-Unis.
Alors que le gouvernement américain avait pris les devants en assurant vouloir laisser de côté toute velléité de résolution politique, le nœud de la reconnaissance du Kosovo avait fait surface lors de la première des deux journées de cette réunion.
Evoquant des pourparlers «très difficiles» et des pressions «énormes», la délégation serbe avait déploré le 3 septembre une formulation, dans le projet d'accord soumis aux négociateurs, impliquant selon Belgrade la «reconnaissance mutuelle» entre les deux pays.
Cela aurait relégué au second plan les thèmes économiques liés notamment aux infrastructures de transport, officiellement défendus côté américain.
«Nous pensions que cela ne devait pas figurer dans un document sur la normalisation économique, que nous ne pouvions accepter cela», a expliqué le 3 septembre au soir Aleksandar Vucic. «Il n'y aucun risque que je signe un document qui contiendrait la reconnaissance du Kosovo. Point final», a-t-il martelé, assurant que cet article avait finalement «disparu» après ses protestations.
Dans le même temps, la Serbie déménage son ambassade israélienne à Jérusalem
«On va renverser le scénario, donner d'abord aux gens un peu d'espoir au sujet de la croissance économique, et réserver certaines questions politiques pour un second temps», avait expliqué dans la semaine un conseiller spécial de l'exécutif américain. Richard Grenell a contesté avoir voulu arracher subrepticement à Belgrade une reconnaissance de l'indépendance de son ancienne province à majorité albanaise, sans toutefois exclure de possibles «surprises».
Et de fait, il y a eu une surprise : la Serbie a parallèlement annoncé sa décision de déménager son ambassade en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem d'ici juillet, tandis que le Kosovo a accepté d'instaurer des relations diplomatiques avec l'Etat hébreu. L'administration Trump, qui a ébranlé nombre de ses alliés en reconnaissant unilatéralement Jérusalem comme capitale d'Israël, cherche à convaincre d'autres pays d'en faire autant.
Jusqu'ici, les Européens ont été en première ligne dans la médiation serbo-kosovare, qui doit d'ailleurs se poursuivre dès le 7 septembre, quand Aleksandar Vucic et Avdullah Hoti retrouveront à Bruxelles le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.