Khamenei à Trump : «Vos crimes en Irak» et ailleurs «ont fait que les nations vous détestent»
Répondant à Donald Trump, qui a accusé l'Iran d'être derrière les récents événements antiaméricains en Irak, le Guide suprême iranien a conseillé à Washington de chercher la source de la contestation dans ses propres «crimes».
Le Guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a fermement condamné ce 1er janvier les attaques américaines contre des milices alliées à l'Iran en Irak qui ont fait 25 morts parmi les combattants d'une brigade le 29 décembre, suscitant des manifestations antiaméricaines. «Le gouvernement iranien, la nation et moi-même condamnons fermement les attaques», a déclaré Ali Khamenei cité par la télévision publique.
La milice Kataëb Hezbollah (Brigades du Hezbollah) a en effet été visée le 29 décembre par l'armée américaine sur cinq sites en Irak et en Syrie, en riposte à une série «d'attaques répétées contre des bases irakiennes qui accueillent les forces de l'opération [antidjihadiste américaine] Inherent Resolve», selon le secrétaire d'Etat à la Défense des Etats-Unis Jonathan Hoffman.
Premièrement : vous ne pouvez rien faire. Deuxièmement : si vous étiez logique, ce que vous n'êtes pas, vous verriez que vos crimes en Irak, en Afghanistan... ont fait que les nations vous détestent
Deux jours après, le 31 décembre, des milliers de manifestants ont attaqué l'ambassade des Etats-Unis à Bagdad, brûlant des drapeaux, arrachant des caméras de surveillance et criant «Mort à l'Amérique». Le président américain Donald Trump a immédiatement accusé l'Iran d'avoir orchestré ces manifestations, avertissant que Téhéran serait tenu «pleinement responsable» des conséquences de cette attaque et paierait «le prix fort» en cas de «vies perdues» ou de «dégâts occasionnés dans [les] installations [américaine en Irak]». Le président avait conclu son message, publié sur les réseaux sociaux, par un cinglant : «Ce n'est pas un avertissement, c'est une menace. Bonne année !»
Khamenei pointe du doigt la relation de Washington avec Daesh
Mais l'Iran a aussitôt rejeté les accusations américaines, déplorant dans un tweet d'Ali Khamenei : «Ce type a twitté que [les Etats-Unis tenaient] l'Iran pour responsable des attaques de Bagdad.» Et l'ayatollah de mettre les points sur les i : «Premièrement : vous ne pouvez rien faire. Deuxièmement : si vous étiez logique, ce que vous n'êtes pas, vous verriez que vos crimes en Irak, en Afghanistan... ont fait que les nations vous détestent.»
That guy has tweeted that we see Iran responsible for the events in Baghdad & we will respond to Iran.
— Khamenei.ir (@khamenei_ir) January 1, 2020
1st: You can’t do anything.
2nd: If you were logical —which you’re not— you’d see that your crimes in Iraq, Afghanistan… have made nations hate you. https://t.co/hMGOEDwHuY
«Si la République islamique décide de défier et de combattre [un pays], elle le fera sans équivoque. Nous ne cherchons pas la guerre mais nous défendons fortement les intérêts, la dignité et la gloire de la nation iranienne», a ajouté le Guide suprême iranien.
Par ailleurs, le média iranien Press TV rapporte que Ali Khamenei a accusé les Etats-Unis d'avoir cherché à se venger, par ses frappes du 29 décembre, d'une force luttant contre le terrorisme : «Vous êtes témoins de ce qu'ils [les Américains] font en Irak et en Syrie. Ils se vengent de [la coalition paramilitaire] Hachd al-Chaabi parce qu'[elle] a paralysé et éliminé Daesh, qu'ils avaient créé et entretenu». Hachd al-Chaabi est une coalition de paramilitaires dominée par des factions chiites pro-iraniennes à laquelle appartiennent les brigades du Hezbollah.
Les manifestants irakiens pro-Iran avaient quitté ce 1er janvier les abords de l'ambassade des Etats-Unis à Bagdad sur ordre des paramilitaires du Hachd al-Chaabi justement, mettant fin à cet épisode de violence qui a culminé avec une attaque inédite contre la chancellerie américaine. Estimant que le «message» des manifestants avait été «entendu», le Hachd al-Chaabi a en effet appelé ses combattants et partisans à relocaliser leur sit-in hors de l'ultrasécurisée Zone verte à Bagdad, où siège l'ambassade américaine. Aussitôt, a constaté un photographe de l'AFP, les manifestants ont démonté toutes les tentes montées la veille pour un sit-in qu'ils promettaient alors illimité visant à dénoncer les raids américains. «Nous avons enregistré un gros succès : nous sommes arrivés jusqu'à l'ambassade américaine alors que personne ne l'avait fait avant [et maintenant] la balle est dans le camp du Parlement», a déclaré le 1er janvier à l'AFP Ahmed Mohieddine, porte-parole des brigades du Hezbollah d'Irak, visées par les raids américains.
Après les violences qui ont fait resurgir pour les Etats-Unis le spectre de deux traumatismes dans leurs ambassades (l'un à Téhéran en 1979 et l'autre à Benghazi en Libye en 2012), les responsables irakiens pro-iraniens travaillent pour rassembler au Parlement des signatures visant à dénoncer l'accord irako-américain autorisant la présence de 5 200 soldats américains sur le sol de ce pays.
Mais leur combat n'est pas gagné d'avance : en représailles à l'attaque de l'ambassade, le secrétaire américain à la Défense Mark Esper a annoncé ce 1er janvier dans un communiqué que le Pentagone allait envoyer «immédiatement» environ 750 soldats supplémentaires au Moyen-Orient «en réponse aux événements récents en Irak». Il a ajouté que des «forces additionnelles» étaient en outre prêtes à être déployées «dans les jours qui viennent».