Législatives en Géorgie : le parti au pouvoir dénonce le «chantage» de l’UE et une «intervention étrangère»
Le secrétaire général de Rêve géorgien, Kakhaber Kaladze, a dénoncé le «chantage» de l’UE et l’«intervention étrangère» dans les législatives à venir. Agacé par l’adoption de la loi sur les agents de l’étranger, Bruxelles menace de suspendre l’exemption de visa dont bénéficient les Géorgiens si des «violations» sont constatées lors du scrutin.
«Personne ne peut me faire chanter avec des sanctions lorsqu'il s'agit des intérêts de notre pays et de notre peuple», a déclaré le 23 septembre le maire de Tbilissi et secrétaire général du parti Rêve géorgien, Kakhaber Kaladze, cité par Georgian Public Broadcaster (GPB), l'entreprise de radiotélévision nationale géorgienne. «Les intérêts de la Géorgie ne sont pas négociables. Nous ne permettrons à personne d'utiliser notre nation pour faire avancer ses propres objectifs ou pour provoquer les troubles dont nous sommes malheureusement témoins en Ukraine », a-t-il ajouté, alors qu’il était interrogé quant à la possibilité qu’il puisse figurer parmi les personnalités politiques sanctionnées par Bruxelles.
«Le chantage se poursuit autant que possible. Plus la date des élections approche, plus les déclarations selon lesquelles nous annulons la libéralisation des visas, nous lançons des processus, des mesures concrètes vont s'intensifier», a-t-il également déclaré, selon des propos rapportés cette fois par l’agence de presse géorgienne Interpressnews. «Quand je parle d'intervention étrangère, ces faits parlent d'eux-mêmes. Les experts et les partis politiques ne nient pas que plus les élections approchent, plus ce type de déclarations vont s'intensifier», a-t-il insisté.
«Toutes les options sont sur la table, y compris une suspension temporaire du régime sans visa avec la Géorgie», avait déclaré le 20 septembre à la presse l'ambassadeur de l'UE en Géorgie, Pawel Herczynski. Un ton déjà donné par un porte-parole de la Commission européenne, cité la veille par Politico. «Toutes les options sont sur la table» en cas de «nouveau recul démocratique» en Géorgie, «y compris la suspension temporaire potentielle du programme de libéralisation des visas», avait-il déclaré. Depuis 2017, les citoyens géorgiens peuvent visiter les pays de l’espace Schengen sans visa pendant 90 jours maximum sur une période de 180.
Quatre Géorgiens sanctionnés par Washington
Quelques jours plus tôt, le 17 septembre, le Premier ministre géorgien Irakli Kobakhidzéavait dénoncé «une sorte de chantage bon marché» concernant les informations circulant quant à une éventuelle suspension du régime de visa, affirmant que Bruxelles faisait passer le message à la société géorgienne qu’elle «serait punie» dans son ensemble si elle ne votait pas dans le sens escompté par les autorités européennes.
Le jour même, Formula TV déclarait avoir obtenu à Bruxelles des informations selon lesquelles les Vingt-Sept étaient «quasiment» parvenus à un accord sur la suspension de ce régime de visa après les élections «en cas de nouvelle détérioration de la situation et de violation des principes démocratiques, y compris des élections libres».
L’adoption par le Parlement géorgien, fin mai, d’une loi contre les agents de l’étranger a très fortement déplu à Bruxelles ainsi qu’à Washington qui ont depuis réévalué leurs partenariats respectifs. Ce texte oblige les médias et les ONG recevant plus de 20% de leur financement de l’étranger à s’enregistrer comme étant sous influence étrangère.
Le 16 septembre, le département américain du Trésor a annoncé des sanctions contre deux hauts responsables géorgiens accusés d’avoir notamment «porté atteinte aux libertés fondamentales, notamment à la liberté d’expression» en Géorgie ainsi que deux ressortissants géorgiens ayant «directement ou indirectement participé à la répression violente de l’exercice de la liberté de réunion pacifique des Géorgiens engagés dans le processus démocratique et l’expression pacifique».
Une révolution de couleurs en préparation, alerte le renseignement russe
«Il est prévu d'utiliser des "outils éprouvés" pour introduire des sanctions personnelles contre les principaux "rêveurs", les membres de leurs familles ainsi que les sponsors des partis», avait notamment mis en garde, quelques semaines plus tôt, le Service de renseignement étranger (SVR) de Russie. «Des préparatifs sont en cours pour une "révolution de couleur"», une victoire de Rêve Géorgien étant un scénario «inacceptable» pour l’administration Biden, avait-il alors alerté.
«Pour ce faire, les ONG pro-occidentales géorgiennes recrutent un grand nombre de personnes pour surveiller étroitement le déroulement du scrutin», avait précisé le SVR. Selon cette même source, il serait prévu de publier des «preuves de fraude».
Début juillet, Pawel Herczynski avait annoncé la suspension du processus d’adhésion à l’UE de la Géorgie, ainsi que le gel d’une aide de 30 millions d’euros qui devait être versée au ministère géorgien de la Défense. Un mois plus tôt, l’ambassadeur du bloc européen avait déjà évoqué une possible suspension, actée par les Vingt-Sept, du régime sans visa pour les ressortissants géorgiens.
Dès la fin mai, avant le rejet par le Parlement du veto de la présidente du pays et ainsi l’adoption définitive du texte, Bruxelles avait laissé planer la menace de sanctions à l’encontre des autorités du pays, comme le révélait le 24 mai le média Euractiv, évoquant différentes pistes listées dans un document du Service européen pour l’action extérieure (SEAE).
Parmi les pistes à l’étude : un «engagement intensifié» qui se traduirait notamment par un renforcement du «soutien à la société civile et aux médias d’investigation indépendants», relatait le site d’information européen. «L’une des craintes est que les observateurs électoraux et les ONG impliquées dans la participation citoyenne et la transparence soient qualifiés d’"agents étrangers" et empêchés de surveiller les scrutins», précisait-il, citant des «responsables politiques géorgiens de l’opposition».