Confinement et scolarité : les inégalités à l'école renforcées ?
- Avec AFP
Alors que certains écoliers seront en vacances ce 3 avril, le confinement semble creuser les inégalités déjà existantes entre les élèves. Surtout que l'année scolaire pourrait bien ne jamais se terminer.
Ce 3 avril, une partie des élèves français seront en vacances. Une pause nécessaire dans l'école à la maison selon les enseignants, même si certains parents redoutent de rompre avec une activité qui permet de rythmer les journées de confinement. «Il faut respecter le temps de repos que représentent les vacances et comme on est confiné, que ce soit un moment riche humainement», conseillait récemment le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer.
A partir du 3 avril au soir, les élèves de la zone C (académies de Paris, Créteil, Montpellier, Toulouse, Versailles) seront officiellement en congés pour deux semaines. Le confinement lié au Covid-19 ayant été prolongé au moins jusqu'au 15 avril, il n'y aura cette année de départ en vacances pour aucun enfant. Elles devront se passer «à la maison», où les cours sont enseignés à distance depuis la fermeture de toutes les écoles du pays le 16 mars.
Un «impact très lourd» selon Bernard Lahire
Mais cette poursuite du confinement va-t-elle encore plus creuser les inégalités à l'école ? C'est ce qu'affirme auprès de l'AFP Bernard Lahire, professeur à l'ENS de Lyon qui a dirigé plusieurs années une étude sur des enfants de maternelle (Enfances de classe - De l'inégalité parmi les enfants, Le Seuil).
En effet, selon le sociologue : «C'est quasi mathématique : vous avez des inégalités de départ entre les familles, plus ou moins diplômées, plus ou moins dotées de capitaux culturels ; si vous retirez l'école, qu'est-ce qui reste ? La réalité brute de ces inégalités. L'école joue déjà, la plupart du temps, un rôle de reproduction. Mais elle tente néanmoins de réduire les différences et parvient, malgré tout, à transmettre des savoirs à ceux qui sont en difficulté. Si l'on retire son intervention de façon durable — il est question, selon les scénarios, que les enfants ne reprennent qu'en septembre — l'impact sera très lourd.»
Que les enfants ou les parents soient connectés n'empêche pas qu'ils soient perdus pédagogiquement
Le chiffre de 5 à 8% d'élèves perdus annoncé par le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer est sous-estimé selon le sociologue. Comme il l'explique : «Le problème est sans doute de plus grande ampleur parce que les classes populaires ne représentent pas seulement 5 à 8% de ce pays... En outre, si ces chiffres se basent uniquement sur le fait d'avoir accusé réception des informations transmises par les enseignants, ça ne suffit pas. La question, ce n'est pas seulement d'avoir accès à internet. Que les enfants ou les parents soient connectés n'empêche pas qu'ils soient perdus pédagogiquement. La transmission des savoirs, ça ne marche pas comme un transfert bancaire.»
En période de confinement, c'est aux parents qu'incombent la tâche d'assurer la continuité pédagogique voulue par le ministre, comme l'explique à RT France Mehdi, père de la petite Romane.
Néanmoins, Bernard Lahire rappelle qu'«aujourd'hui, ceux qui sont les moins susceptibles de faire du télétravail, et donc de pouvoir garder leurs enfants à la maison et les suivre scolairement, ce sont, hormis les médecins et infirmières, les gens des milieux populaires: les ouvriers de l'agroalimentaire, de l'automobile, les éboueurs, les femmes de ménage, les caissières, les aides-soignantes, etc.».