Covid-19 : le gouvernement désosse le code du travail... temporairement
Congés payés, 35 heures, repos hebdomadaire... L'Assemblée nationale s'apprête à détricoter le code du travail provisoirement. La gauche se scandalise d'un projet de loi visant à casser certains droits, au nom de l'union nationale face à l'épidémie.
Le gouvernement profite-t-il de la crise sanitaire du Covid-19 pour faire passer une nouvelle réforme, visant à briser de nouveaux des acquis inscrits dans le code du travail ? L'Assemblée s'apprête en effet le 20 mars à valider le projet de loi d'urgence proposé par le gouvernement, qui pourra lui permettre d'agir ensuite par ordonnances pour apporter des modifications majeures dans le droit du travail, notamment sur le temps de travail ou la prise de congés payés.
Dans les trois mois suivant la publication du projet de loi, le gouvernement pourra ainsi prendre des mesures rapidement pour chambouler provisoirement le code du travail. La gauche est logiquement vent debout : le sénateur socialiste Patrick Kanner, a déploré pour Le Monde des «modifications lourdes au code du travail». Sur Twitter, la syndicaliste CGT Sophie Binet s'alarme aussi de l'ensemble des ordonnances que le gouvernement souhaite prendre au détriment du code du travail.
3/4. Possibilité de dépasser les limites journalières (10h ou 12h si dérogations) et hebdomadaires (48h ou 44h sur 12 semaine) de temps de travail maximum et de repos minimum (11h). En matière de prévention, il y a mieux…
— Sophie Binet (@BinetSophie) March 19, 2020
Le magazine Marianne a d'ailleurs révélé ces modifications majeures du droit du travail. Parmi les ordonnances, le gouvernement pourra ainsi «modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés, des jours de réduction du temps de travail».
Par voie de conséquence, l'employeur pourra imposer la prise de congés payés pendant la période de confinement, dans la limite d'une semaine, selon un amendement adopté au Sénat. Or, actuellement, le code du travail oblige l'employeur à ne pas «modifier l'ordre et les dates de départ moins d'un mois avant la date prévue». Marianne constate une autre conséquence de cette ordonnance : «Les 2,5 jours de congés payés acquis par mois appartiendront peut-être bientôt au passé... Quant aux RTT, un régime plus restrictif pourra également être mis en place.»
Une autre ordonnance, que le gouvernement pourrait prendre, concerne les «entreprises de secteurs particulièrement nécessaires à la sécurité de nation ou à la continuité de la vie économique et sociale». Quelles sont-elles ? Pour l'instant c'est l'inconnu. Quand cette ordonnance sera adoptée, ces entreprises pourront remettre en cause le droit concernant la durée du travail, le repos hebdomadaire et le repos dominical.
Si le projet de loi assure en outre que toutes les mesures devront être conformes au droit de l’Union européenne («Les mesures prises seront articulées dans le respect des normes de droit international et du droit de l’Union européenne»), Marianne note que, pour le temps de travail hebdomadaire maximum par exemple, l'UE l'a «fixé à 48 heures par semaine».
Enfin, si les mesures par ordonnances sont censées être «provisoires», aucune indication ne permet de savoir si ce provisoire ne pourrait en fait se prolonger des mois, voire des années.