Des ONG africaines portent plainte contre le groupe Bolloré pour corruption et blanchiment

Des ONG africaines portent plainte contre le groupe Bolloré pour corruption et blanchiment Source: www.globallookpress.com
Vincent Bolloré sortant d’une séance avec la commission d’enquête à l’Assemblée nationale le 13 mars 2024 à Paris.
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Un collectif de 11 ONG africaines accuse le groupe Bolloré de corruption et blanchiment dans l’attribution de concessions portuaires en Afrique de l’Ouest. La plainte déposée en France vise à récupérer plusieurs milliards d’euros issus de la vente de sa filiale Africa Logistics, jugés comme des «biens mal acquis».

Une plainte inédite a été déposée le 18 mars contre le groupe Bolloré, Vincent Bolloré et son fils Cyrille par le collectif Restitution pour l’Afrique (RAF). Ce collectif, regroupant onze associations implantées dans plusieurs pays africains, accuse l’entreprise française d’avoir obtenu des concessions portuaires de manière illicite grâce à des pratiques de corruption et de trafic d’influence. Selon les plaignants, ces activités auraient généré des bénéfices considérables qui ont été blanchis lors de la vente en 2022 de Bolloré Africa Logistics à l’armateur italo-suisse MSC pour un montant de 5,7 milliards d’euros.

Le groupe Bolloré, présent en Afrique depuis les années 1980, a construit un empire économique s’étendant sur 46 pays, notamment dans le domaine des infrastructures logistiques. Son réseau de 16 concessions portuaires lui a permis d’exercer une influence considérable sur le commerce maritime africain. Cependant, selon le RAF, ces concessions ont souvent été attribuées sans appel d’offres, en échange de soutiens politiques à des dirigeants africains. Des faits similaires avaient déjà été mis en lumière dans le cadre d’enquêtes judiciaires antérieures.

D’après les informations rapportées par France 24-RFI, la justice française soupçonnait depuis 2013 le groupe Bolloré d’avoir utilisé sa filiale Euro RSCG (devenue Havas) pour financer les campagnes électorales de Faure Gnassingbé au Togo et d’Alpha Condé en Guinée en 2010, facilitant ainsi l’obtention de concessions portuaires stratégiques. De plus, en Côte d’Ivoire, le terminal à conteneurs d’Abidjan avait été attribué en 2003 sans appel d’offres par le président Laurent Gbagbo, une décision jugée contraire aux principes de bonne gouvernance par des observateurs internationaux.

La plainte déposée élargit encore ces accusations en évoquant des pratiques similaires au Cameroun, au Ghana et dans d’autres pays de la région. Le collectif RAF soutient que les contrats obtenus frauduleusement ont causé un manque à gagner considérable pour les finances publiques des États concernés. Jean-Jacques Lumumba, président du RAF, a déclaré sur France 24 que cette action vise à «condamner le corrupteur» et à obtenir réparation pour les populations africaines lésées.

L’affaire prend une tournure encore plus importante avec l’introduction du concept de «biens mal acquis inversés». Cette notion, avancée par les avocats du RAF, repose sur une loi française de 2021 qui permet de restituer aux pays d’origine les profits issus d’activités frauduleuses. Selon les plaignants, une partie des 5,7 milliards d’euros issus de la vente de Bolloré Africa Logistics devrait être reversée aux États africains concernés afin de financer des projets de développement.

Le Parquet national financier a déjà pris des mesures contre le groupe Bolloré dans des affaires précédentes. En 2021, la société avait reconnu certains faits en acceptant une convention judiciaire d’intérêt public et en payant une amende de 12 millions d’euros. Cependant, le PNF a refusé en 2024 une tentative d’accord qui aurait permis à Vincent Bolloré d’échapper à un procès. Désormais, la justice française doit statuer sur cette nouvelle plainte et déterminer si elle donne lieu à une enquête approfondie.

Cette affaire illustre la manière dont certaines multinationales françaises et de manière plus générale occidentales ont pu exercer une emprise économique et politique en Afrique à travers des pratiques illégales. Pour les ONG plaignantes, il ne s’agit pas seulement de condamner un groupe industriel, mais de poser un précédent juridique visant à récupérer les richesses détournées du continent africain au profit des populations locales.

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