L’Espagne et l’Italie réclament un «plan Marshall», la solidarité européenne mise en cause
L’idée d’un vaste plan de relance financé par des emprunts européens fait son chemin dans certaines capitales. Après avoir parlé de «coronabonds», Madrid et Rome font désormais référence à un «plan Marshall».
Roberto Gualtieri, ministre italien de l’Economie, s’en est pris à la présidente de la Commission européenne pour ses déclarations concernant la politique de relance économique envisagée par Bruxelles face aux conséquences de la pandémie de Covid-19.
Lors d’une conférence de presse qui a suivi le conseil des ministres le 28 mars, il a ainsi déclaré : «Les paroles de la présidente de la Commission étaient une erreur et je regrette qu'elle les ait prononcées.» Il a ajouté que pour sortir de la crise, les Etats européens avaient besoin d'une «vaste plan Marshall».
La veille, Ursula van der Leyen avait émis des réserves sur la pertinence d’émettre des obligations pan-européennes au nom de la zone euro pour financer un plan de relance.
Rome s’était auparavant satisfait de la levée temporaire des contraintes budgétaires imposées par les traités. Mais le gouvernement du pays européen le plus touché par la pandémie (près de 100 000 cas et plus de 10 000 morts), qui vient d’annoncer un plan d’aide aux familles et aux entreprises d’environ 25 milliards d’euros, souhaite une aide européenne pour financer d’autres mesures en avril.
A Madrid, le président du gouvernement espagnol Pedro Sanchez a lui aussi exhorté, dimanche 29 mars, l’Union européenne à mettre en place un vaste programme d'investissement public de type «Plan Marshall».
Dans un discours cité par Reuters, il a estimé que l'Union européenne devait émettre des obligations pan-européennes – ou «coronabonds» – pour aider ses pays membres à répondre à la crise sanitaire et économique. Il a aussi salué les mesures prises jusque-là par la Banque centrale européenne (BCE).
«L'Europe peut faire et doit faire plus, et nous demandons à ce qu'elle fasse beaucoup plus dans un moment aussi critique», a-t-il cependant ajouté.
L’émission de coronabonds ou obligations pan-européennes au nom de la zone euro est désormais l’enjeu d’un débat qui divise les dirigeants européens. En milieu de semaine dernière, neuf d’entre eux, parmi lesquels Guiseppe Conte et Emmanuel Macron, ont adressé au président du Conseil, le Belge Charles Michel, une lettre lui demandant également d’intervenir pour favoriser l’émission de coronabonds.
Mais jusqu’à présent, cette proposition soutenue par Paris, Rome et Madrid, mais aussi Dublin et Luxembourg a rencontré l’opposition des capitales du nord de l’Europe (Allemagne, Autriche, et Finlande).
Dans une interview accordée au quotidien espagnol EL Pais, le président du conseil italien s’est largement expliqué sur cette question.
«Personne ne demande à l'Europe de reprendre des dettes souveraines», déclare-t-il, expliquant que ces coronabonds devraient être réservés à financer un large plan de sortie de crise. Pour Giuseppe Conte : «Le problème n'est pas de sortir de la crise, mais de le faire le plus tôt possible.»
Il en va selon lui de la crédibilité des institutions européennes. «Si l'UE ne respecte pas sa vocation et son rôle dans cette situation historique, continuera-t-elle d’avoir la confiance des citoyens ou la perdra-t-elle définitivement?», s'interroge également Giuseppe Conte.