Inquiète de laisser la place à la Chine, Bruxelles veut relancer l'intérêt des Balkans pour l'UE
La Commission européenne va annoncer une série de mesures destinées à relancer l'intérêt des pays des Balkans pour une adhésion à l'UE. Si Jean-Claude Juncker émet des réserves, Bruxelles ne peut toutefois pas laisser la région à d'autres intérêts.
Malgré ses difficultés, l'Union européenne (UE) veut aller de l'avant et démontrer qu'elle reste attractive. La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini doit annoncer ce 6 février 2018 la nouvelle stratégie de la Commission européenne à l'endroit de certains pays de la partie occidentale des Balkans. Parmi ceux-ci, la Serbie et le Monténégro sont considérés par l'UE comme les meilleurs candidats à une adhésion prévue pour 2025.
Bruxelles s'appuie sur les recommandations d'une douzaine d'Etats membres présentées en janvier dernier, parmi lesquels des pays historiquement liés aux Balkans comme l'Autriche et la Hongrie, mais aussi, plus éloignés géographiquement comme l'Irlande ou la Lituanie.
#UE 🇪🇺 : @MartinSchulz relance l'idée chimérique des #EtatsUnisdEurope
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D'après Reuters, il est notamment proposé d'associer les ministres des pays des Balkans occidentaux aux grandes réunions européennes. Un grand sommet associant Balkans et UE serait en outre organisé de façon annuelle. «Ce sont des mesures qui ne coûtent rien mais qui auraient un impact phénoménal et seraient très utiles pour améliorer l'image de l'UE dans la région», explique le rapport remis à la Commission européenne. Autre initiative destinée à séduire la population : l'UE veut mettre en œuvre, comme elle l'a déjà fait pour les Etats membres avec un succès médiatique, la fin des frais d'itinérance de téléphonie mobile, «roaming» en anglais, dans cette région très morcelée qui compte environ 18 millions d'habitants.
Jean-Claude Juncker moins optimiste
En se posant en défenseur de citoyens-consommateurs, l'UE s'assurera-t-elle pour autant de retenir dans sa sphère d'influence des pays plutôt labiles et diversement attirés par la perspective d'une destinée bruxelloise ?
Il est faux d'affirmer que moi ou la Commission avons dit que d'ici 2025 l'adhésion de la Serbie et du Monténégro doit être réglée. C'est une date indicative
Au risque de brouiller le message de la commissaire européenne Federica Mogherini, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker pose déjà comme condition aux pays des Balkans de régler leurs différends frontaliers. «Il n'y aura pas d'élargissement supplémentaire des pays des Balkans sans que les problèmes ayant trait à des frontières soient résolus au préalable, avant toute adhésion», a-t-il déclaré ce même 6 février devant les députés européens réunis en session à Strasbourg. Et le président de la Commission de modérer encore : «Il est faux d'affirmer que moi ou la Commission avons dit que d'ici 2025 l'adhésion de la Serbie et du Monténégro doit être réglée. C'est une date indicative.»
En exigeant que les problèmes frontaliers soient résolus avant une adhésion à l'UE, Jean-Claude Juncker veut éviter des situations comme celle qui oppose la Slovénie à la Croatie concernant la baie de Piran au nord de l'Adriatique. Les deux pays, bien que devenus membres de l'UE, respectivement en 2004 et 2013, se disputent cette zone depuis leur indépendance en 1991.
Derrière la Russie, la Chine dans le viseur de l'UE ?
Pour autant, malgré ses déclarations contradictoires, la Commission européenne ne peut se permettre de négliger la région des Balkans. Si l'Union européenne ne dissimule pas, de manière générale, sa volonté de contenir la «menace russe» en Europe, ce souci entre sans doute en jeu dans sa politique vis-à-vis des Balkans, bien que la sphère d'influence de la Russie soit déjà largement écartée de cette région depuis la guerre de Yougoslavie et son éclatement de 1991 à 2008 en plusieurs entités.
Cependant la Russie pourrait ne pas être la seule grande puissance à inquiéter Bruxelles. Le vide géopolitique laissé par l'Union européenne dans les Balkans permet à la Chine de poser les jalons de son influence, plus discrète car économique, en Europe.
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Le site d'information pro-Union européenne Euractiv tirait déjà le signal d'alarme en juin 2017. «Les Balkans occidentaux sont devenus le point d'accès préféré de la Chine à l'UE. Pékin y finance notamment des infrastructures portuaires qui inquiètent Bruxelles», note ainsi Euractiv. Episode emblématique de cette stratégie, le géant chinois du transport maritime Cisco a racheté le port d'Athènes du Pirée en 2016, s'affranchissant ainsi de toute dépendance à l'égard des autres grands ports européens comme Rotterdam.
Faisant feu de tout bois, la Chine développe également l'infrastructure de l'hinterland de sa tête de pont grecque, construisant même des chemins de fer afin d'acheminer ses produits manufacturés en Europe. Toujours d'après Euractiv, la Chine a investi quelque 3,2 milliards d'euros pour transformer le chemin de fer reliant Belgrade à Budapest en ligne de train à grande vitesse. Le capitalisme a horreur du vide.
Alexandre Keller