Rapprochement avec la Russie, la Chine et l’Iran ? Josep Borrell remis à sa place par la Tunisie
Le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a exprimé le 24 juin «l'inquiétude» de l’UE face à un «rapprochement» de la Tunisie avec la Russie, la Chine et l’Iran. Il a été aussitôt remis à sa place par l’ambassade de Tunisie auprès de l’UE, dans un communiqué aussi laconique qu’incisif.
La Tunisie «conduit ses relations avec l’ensemble de ses partenaires en toute indépendance», a martelé le 25 juin l’ambassade de Tunisie auprès de l’Union européenne (UE) dans la foulée des déclarations pour le moins polémiques du chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Celui-ci avait exprimé le 24 juin, lors de la réunion du Conseil européen des Affaires étrangères, les «inquiétudes» de l’UE face à un «rapprochement» de Tunis avec la Russie, la Chine et l’Iran.
Voyant dans la politique de Tunis une nouvelle orientation diplomatique d’«un partenaire important de longue date de l’UE», le haut représentant a insisté sur la nécessité d’approfondir le débat au sein des instances européennes, appelant à «éviter» à l’avenir «certains événements» qui conduiraient, selon lui, à des rapprochements avec ces trois pays.
«En toute indépendance»
Des propos recadrés dans la foulée par l’ambassade tunisienne auprès de l’UE, qui rappelle à Josep Borrell, dans un communiqué aussi laconique qu’incisif, que le gouvernement tunisien, représentant la «volonté souveraine» du peuple, conduit ses relations avec tous ses partenaires «en toute indépendance».
Le pays, pointe encore l’ambassade, reste attaché à la «constance» et aux «acquis» de son «partenariat avec l’Union européenne», tout en œuvrant néanmoins à ce que cette relation «s’adapte constamment aux défis et changements en cours».
L’ambassade tunisienne a taclé directement Josep Borrell, un «ancien administrateur d’un groupe industriel désormais en fin de contrat professionnel», faisant visiblement allusion aux soupçons de «conflit d’intérêt» dont il faisait l’objet lorsqu’il siégeait au conseil d’administration de la compagnie énergétique espagnole Abengoa.
Son «acharnement», martèle l’ambassade, «n’entachera pas le partenariat tuniso-européen».
Tunis reste ouvert à Pékin, Moscou et Téhéran
En septembre 2023, l’ancien chef de la diplomatie tunisienne Nabil Ammar avait effectué une visite de travail en Russie où il avait convenu avec son homologue russe Sergueï Lavrov de renforcer la coopération tuniso-russe dans plusieurs domaines, notamment la technologie et l'énergie nucléaire civile. Le ministre tunisien avait notamment annoncé qu’une invitation avait été adressée au président russe, Vladimir Poutine, par son homologue tunisien Kaïs Saïed pour visiter la Tunisie.
En Iran, après la mort du président iranien Ebrahim Raïssi dans le crash de son hélicoptère le 19 mai, la visite du président Kaïs Saïed à Téhéran pour présenter ses condoléances en personne avait été qualifiée d’«historique» par la presse des deux pays.
Du 28 mai au 1er juin, à l'invitation de son homologue chinois Xi Jinping, le président Saïed avait effectué une visite d’État en Chine, où il avait notamment réitéré son appel à établir «un nouveau pacte financier mondial», dans une énième critique de la mainmise occidentale sur les institutions financières internationales.
Paranoïa occidentale ?
Ces trois événements ont visiblement irrité l’Occident, au point que les «inquiétudes» de celui-ci quant à un rapprochement entre la Tunisie et la Russie ont frôlé par moment la paranoïa.
Après la rumeur faisant état début juin d'une rotation d’avions russes sur l'île tunisienne de Djerba, l’Occident s’est empressé de se déclarer «préoccupé» par l’éventualité d’une «présence militaire russe en Tunisie». Une information sortie forcément de nulle part.
Joutes verbales entre Tunis et Bruxelles
La Tunisie n’y va pas de main morte quand il s’agit de croiser le fer avec l’Union européenne.
En septembre 2023, Tunis avait refusé la visite d’une délégation d’eurodéputés qui souhaitaient rencontrer des personnalités de l’opposition. Ils ont été déclarés persona non grata par le président Kaïs Saïed, et la joute verbale qui en a découlé aurait pu dégénérer à l’époque, n'eût été une désescalade par un mémorandum d’entente tuniso-européen parrainé par la Première ministre italienne Giorgia Meloni.
Au cours de ces derniers mois, la Tunisie avait interprété les «inquiétudes» qu’avaient exprimé les États-Unis, la France et l’UE comme une tentative d’ingérence dans ses affaires intérieures et une atteinte à sa souveraineté.