Equateur : à Guayaquil, où la situation est dramatique, des corps gisent dans les rues
La ville de Guayaquil en Equateur est en train de se transformer en cité martyre du coronavirus. Des scènes insoutenables montrent des cadavres gisant à même le sol, parfois incendiés, ou entassés dans les hôpitaux dans des sacs plastiques.
La pandémie de coronavirus frappe très durement l'Equateur, et principalement Guayaquil, deuxième ville du pays, située dans la province de Guayas, dans la région de Costa, où vivent 3,8 millions d'habitants.
Surnommée «La Perle du pacifique», cette ville côtière du sud-ouest de l'Equateur est devenue la cité de l'horreur. En pleine épidémie de coronavirus, des gens malades s'écroulent dans la rue et leurs cadavres restent là, gisant durant des heures, voire des jours. Avec des températures dépassant les 30 degrés, la situation est intenable et des images apocalyptiques circulant sur les réseaux sociaux montrent même des corps incendiés par terre, au milieu de la route.
Car Guayaquil a été laissée à l'abandon durant plusieurs jours. Les services des pompes funèbres tournent au ralenti. Certains de leurs employés ne voulant pas aller chercher les personnes décédées, de peur d'être contaminés par le coronavirus. Mais le plus gros problème semble plutôt être l'absence totale de l'Etat durant les premiers jours à Guayaquil.
La situation sanitaire est hors de contrôle
Cuerpos de enfermos fallecidos de covid-19 se han visto en la última semana en las calles de Guayaquil, Ecuador pic.twitter.com/VKYa2MLdfv
— RT en Español (@ActualidadRT) April 1, 2020
Selon les chiffres du Service national de gestion des risques et des urgences de l'Equateur (SNGRE), fournis le 2 avril, 3 163 personnes étaient infectées par un coronavirus et 120 décès ont été enregistrés. A ce chiffre, il faut ajouter une nouvelle mention dans les communiqués, celle des décès «probablement dus» au Covid-19 et qui seraient au nombre de 78. Mais ces chiffres paraissent très en deçà de la réalité, de l'aveu même du président Lenin Moreno qui a admis que les autorités n'avaient pas été en mesure de suivre la propagation du virus.
Obligés de laisser les corps des parents dans la rue
Les règles strictes de confinement et le couvre-feu en vigueur 15 heures par jour ne permettent pas aux familles d'enterrer leurs proches.
A bout, des habitants ont utilisé les réseaux sociaux pour demander de l'aide, en publiant des vidéos de parents décédés gisant à l'intérieur de leur domicile. D'autres familles ont dû laisser des corps dans la rue pour que les autorités les récupèrent. «La situation sanitaire est hors de contrôle, les gens sont perdus, ils ne savent pas où ont été transportés leurs proches défunts, d'autres ne savent pas quoi faire des cadavres qui sont à la maison», raconte Danny, habitant de Guayaquil, contacté par RT France. Ce caméraman de 37 ans n'est pas convaincu par les chiffres officiels et déplore l'absence des autorités. «La situation est critique, nous n'avons pas de gouvernance locale, des chiffres officieux font état de 3 500 morts et de surcroît, les autorités municipales affirment maintenant ramasser chaque jour 450 cadavres, ça ne cadre pas avec les chiffres officiels», conclut Danny.
Selon Euronews, le gouvernement du président Lenin Moreno, sous le feu de vives critiques, a fini par dépêcher dans la ville côtière des brigades de militaires et policiers, afin de procéder à l'enlèvement des corps dans les maisons et les appartements. Celles-ci ramassent jusqu'à 150 corps par jour rien que dans les maisons de Guayaquil. Le ministre équatorien de la Santé, Juan Carlos Zeballos, a aussi dû présenter les excuses des autorités aux familles des défunts du Covid-19. Mais il a également prévenu que la situation allait empirer dans la province du Guayas, dont Guayaquil est le chef-lieu.
Le gouvernement équatorien a annoncé le 2 avril qu'il construisait un «camp spécial» pour les malades du coronavirus à Guayaquil. Les hôpitaux de la région sont surchargés de patients qui ont du mal à respirer et un nombre croissant d'agents de santé sont également infectés. Le gouvernement veut maintenant recruter d'urgence 700 nouveaux médecins et infirmières.
Une aide des Etats-Unis à son fidèle allié ?
A Guayaquil, une autre menace d'envergure semble également poindre : la pénurie alimentaire. «Il n'y a plus à manger, il n'y a pas d'aide et la spéculation sur les prix des aliments fait rage», déplore Danny qui ajoute qu'«il n'y a pas en Equateur, comme c'est le cas au Venezuela d'aide internationale».
Le président Lenin Moreno, conduit au pouvoir en 2017 avec le soutien de son prédécesseur socialiste Rafael Correa, dont il avait été le vice-président, a opéré, contre toute attente, un virage ultra-libéral dès qu'il a accédé au pouvoir. La situation économique du pays ne cesse de se détériorer, la croissance est au ralenti, et la pauvreté et le chômage ne cessent de croître.
Parmi les actes notables de Lenin Moreno à l'international, le lâchage du lanceur d'alerte Julian Assange qui avait trouvé refuge durant sept ans à l'ambassade équatorienne de Londres. En outre, son gouvernement soutient systématiquement toutes les mesures américaines adoptées contre le Venezuela de Nicolas Maduro. Dans cette mesure, sans surprise : reçu par Donald et Melania Trump en février, Lenin Moreno est aujourd'hui un grand allié de Washington. Cependant, à ce jour, aucune information ne semble indiquer la mise en place d'une aide des Etats-Unis pour soutenir l'Equateur face au coronavirus.
Meriem Laribi