En instaurant la loi martiale, l'Ukraine fait-elle un pas vers le totalitarisme ?
L'envoi de navires ukrainiens dans les eaux territoriales russes a déclenché une réaction en chaîne. Après l'arraisonnement des bâtiments de guerre par la marine russe, le gouvernement de Kiev a décidé soumettre sa population à la loi martiale.
Après le coup d'Etat de l'Euromaïdan en 2014, confronté à l'insurrection de l'est de l'Ukraine, le président Petro Porochenko avait soigneusement évité de mettre en place la loi martiale. Les bailleurs de fonds comme l'Union européenne ou le Fonds monétaire international ne peuvent en effet consentir de prêts à un Etat en guerre.
Aussi Kiev a-t-il rebaptisé le conflit dans le Donbass russophone en «opérations antiterroristes». Or, avec l'arraisonnement de trois navires de guerre ukrainiens par la marine russe aux abords du détroit de Kertch le 25 novembre, le gouvernement de Kiev a lâché le mot : la loi martiale a été instaurée, après approbation de la Rada, pour une durée d'un mois, à partir du 28 novembre, comme l'a annoncé Petro Porochenko dans un discours télévisé ce 26 novembre.
Une mesure d'exception qui pourrait avoir des effets sur les libertés individuelles des Ukrainiens, en raison de son champ d'application, potentiellement très étendu.
Dirigisme économique
La loi martiale permettrait au gouvernement de prendre le contrôle de certaines usines et d'en réorienter la production, par exemple celle d'armements. La durée du temps de travail pourrait également être allongée, même si les travailleurs auraient droit à un salaire minimum et à du repos. La loi permettrait aussi au pouvoir central de réquisitionner des citoyens pour effectuer des travaux considérés comme indispensables. Le régime d'exception donne au gouvernement des pouvoirs étendus dans plusieurs domaines.
Contrôle de la presse et des médias
Le gouvernement de Kiev pourrait réguler et contrôler plus étroitement les télécommunications, la radio ainsi que les imprimeries et organes de presse. Loi martiale oblige, l'Etat aurait la possibilité d'utiliser ces infrastructures à des fins de propagande, à l'adresse des militaires mais aussi de la population.
Possible suspension des processus électoraux
La loi martiale prévoit en outre la possibilité de bloquer toutes les élections, qu'elles soient nationales ou locales, ainsi que les référendums. Plus précisément, le décret que Petro Porochenko a soumis au Parlement de Kiev dispose que le «droit d'élire ou d'être élu» pourrait être suspendu.
Les prochaines élections législatives en Ukraine sont prévues pour mars 2019, et la campagne électorale doit débuter en janvier. Le président Petro Porochenko et son parti, le Bloc Petro Porochenko (BPP), sont au plus bas dans les sondages d'intention de vote. Néanmoins, le chef d'Etat a assuré que les élections se dérouleraient comme prévu. Le régime de loi martiale, synonyme d'état de guerre, permet aussi d'interdire les manifestations.
Dans un contexte de tensions entre #Kiev et #Moscou après l’arraisonnement de navires de guerre ukrainiens près de la #Crimée, le président ukrainien #Porochenko devrait s'entretenir ce 26 novembre avec #Stoltenberg, secrétaire de l'#OTAN
— RT France (@RTenfrancais) 26 novembre 2018
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Le président ukrainien s'est empressé de préciser ce même 26 novembre que le régime d'exception ne visait qu'à la défense du pays.
Commentant l'initiative de Kiev, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a estimé que le gouvernement ukrainien cherchait à «marquer des points politiquement» dans l'optique des élections de mars 2019. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov a également qualifié la décision d'«intrigue électorale».
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