Affaire Epstein : un procureur général limogé après avoir lancé des poursuites contre JP Morgan
Quatre jours après avoir accusé JP Morgan d'avoir «fermé les yeux» des années durant sur le trafic d'êtres humains de Jeffrey Epstein, car ce dernier leur rapportait des clients, le procureur général des Iles Vierges Denise George a été limogé.
Le procureur général des Iles Vierges américaines, Denise George, a été démis de ses fonctions le 31 décembre, quelques jours seulement après avoir lancé des poursuites contre la banque JPMorgan Chase dans le cadre de son enquête sur le pédocriminel Jeffrey Epstein et son réseau international.
Dans un court communiqué publié par des médias de l'île le 1er janvier, le gouverneur démocrate de l'Etat Albert Bryan a confirmé avoir «relevé Denise George de ses fonctions de procureur général ce week-end». «Je la remercie pour les services qu'elle a rendus à la population du territoire au cours des quatre dernières années en tant que procureur général et lui souhaite le meilleur dans ses futurs projets», a-t-il déclaré sans avancer de raison à ce limogeage. Interrogé à ce ce propos par le média spécialisé Law & Crime, le porte-parole du gouverneur a lui aussi refusé de donner plus d'informations : «Je n'ai pas la liberté de discuter des détails sur les questions de personnel.»
Le 27 décembre, lDenise George avait déposé une plainte de 30 pages contre JPMorgan Chase dans laquelle elle soutenait que la banque avait «fermé les yeux sur les preuves de trafic d'êtres humains pendant plus d'une décennie en raison de l'empreinte financière de [Jeffrey] Epstein, et en raison des transactions et des clients que [Jeffrey] Epstein a apportés et promis d'apporter à la banque».
La Deutsche Bank également accusée de «complicité»
«Ces décisions ont été préconisées et approuvées aux niveaux supérieurs de JP Morgan, y compris par l'ancien directeur général de sa division de gestion d'actifs et de sa banque d'investissement, dont la relation inappropriée avec [Jeffrey] Epstein aurait dû être évidente pour la banque. En effet, ce n'est qu'après la mort de [Jeffrey] Epstein que JP Morgan s'est tardivement conformée aux réglementations bancaires fédérales concernant les comptes de [Jeffrey] Epstein», poursuivait le document.
Des victimes de Jeffrey Epstein, qui ont porté plainte de manière anonyme dans le cadre de deux recours collectifs, avaient auparavant déjà accusé JPMorgan Chase et la Deutsche Bank de «complicité» dans le réseau de trafic sexuel du pédocriminel. La plainte déposée par Denise George contre JPMorgan Chase avant son limogeage est désormais liée à ces deux recours collectifs, déposés dans le même tribunal et actuellement en instance de jugement devant le juge Jed Rakoff. Ces affaires doivent être jugées dans le district sud de New York, au cours de l'été 2023.
Immédiatement après sa prise de fonction en mai 2019, Denise George avait ouvert une enquête sur Jeffrey Epstein. Celle-ci lui avait permis de mettre à jour un «vaste réseau de traite d'êtres humains, et d'abus sexuels de jeunes femmes et de mineures aux Iles Vierges», dont certaines victimes étaient âgées de 12 ans seulement.
Inculpé aux Etats-Unis pour des faits de «proxénétisme sur mineur» et de «complot», Jeffrey Epstein a été retrouvé pendu dans sa cellule le 10 août 2019. Bien qu'il soit mort en prison avant son procès, sa co-accusée Ghislaine Maxwell a été jugée, reconnue coupable et condamnée à 20 ans de prison. Les noms du prince Andrew, de l'ancien président Bill Clinton, de Bill Gates ou du réalisateur américain Woody Allen reviennent de façon récurrente dans l'affaire Epstein en raison de leurs voyages sur l'île de Little St. James (située Iles Vierges américaines) appartenant au financier, ou à bord de son jet privé, surnommé le «Lolita express».
Déjà accusé il y a près de quinze ans de recourir aux services de dizaines de prostituées mineures, notamment dans sa grande demeure de Palm Beach, en Floride, Jeffrey Epstein avait été condamné en 2008 à 18 mois de prison. Alors qu'il encourait la détention à vie, il était parvenu à un accord controversé de négociation de peine en acceptant de plaider coupable pour le seul chef d'avoir sollicité les services de prostituées mineures.