Affaire Paty : un enseignant dénonce l'administration et se fait suspendre
Jean-Christophe Peton, enseignant au lycée du Bois de Mouchard (Jura) a été suspendu de cours à titre conservatoire pour avoir mis en cause le rôle de l'institution lors de l'affaire Samuel Paty. Il se dit «estomaqué».
Le 22 octobre, Jean-Christophe Peton, qui enseigne les lettres au lycée du Bois de Mouchard (Jura), s'est vu notifier sa suspension à titre conservatoire à l'issue d'une convocation au rectorat pour des propos tenus sur la plateforme de l'administration de l'Education nationale Pronote.
«Ce signalement fait état de la diffusion d'un message contenant des propos inappropriés sur Pronote. Lesdits propos font par ailleurs l'objet d'un tweet à l'attention de Monsieur le Recteur d'académie», justifie le courrier de convocation, ainsi que le révèlent nos confrères de L'Express le 30 novembre.
Le 14 octobre, le fonctionnaire de 54 ans avait déclaré sur la plateforme Pronote : «Tandis que l'Education nationale rend hommage d'une main à Samuel Paty "mort pour la liberté d'expression" selon les propres mots du ministre Jean-Michel Blanquer, de l'autre main elle muselle et sanctionne les enseignants qui osent justement exercer ladite liberté d'expression. [...] Samuel Paty a été assassiné pour avoir défendu l'idée qu'on pouvait rire de tout, même et surtout avec les caricatures outrancières de Charlie Hebdo, parce qu'il n'y a rien de sacré en droit français, dans une démocratie laïque, et que la liberté d'expression ne s'arrête que devant les appels à la haine ou au racisme ou à l'antisémitisme (voire au sexisme) concernant des individus précis et non des clichés. Toutes formes de discriminations a priori qui sont évidemment gerbantes si elles ne sont pas humoristiques.»
Il réagissait ainsi à un message du proviseur de son établissement annonçant une minute de silence en mémoire de l'enseignant assassiné l'année précédente à Eragny (Val d'Oise) par un terroriste islamiste.
Jean-Christophe Petton dénonçait également l'attitude de l'administration à l'endroit de Samuel Paty : «Avant d'être égorgé, Samuel Paty a été abandonné par sa hiérarchie, l'Education nationale et ses sbires, et même tancé pour avoir montré des caricatures qui pouvaient heurter X ou Y ou Z, affirme l'enseignant. Cette minute de silence, il faut la faire pour lui, évidemment. Mais ne soyons pas dupes de l'hypocrisie de l'institution et de ses relais.»
Lorsqu'il a publié ce texte, il a également interpellé le recteur de l'académie de Besançon à ce sujet. Le chef d'établissement du Bois de Mouchard a signalé les propos de l'enseignant et une suspension d'une durée maximale de quatre mois lui a été notifiée lors de l'entretien.
Interrogé par L'Express, l'enseignant se dit «estomaqué» et précise : «Ce qui me stupéfie c'est que, d'ordinaire, on ne suspend un fonctionnaire que lorsqu'il représente un danger pour lui-même ou pour les autres, dénonce-t-il. Or je me demande quel danger je peux représenter, notamment pour mes élèves !»
Une lettre signée par 53 des confrères de l'enseignant s'alarme vivement de la sévérité de la sanction et défend la liberté d'expression : «Les termes polémiques qu'employa M. Peton dans son message sur Pronote lui appartiennent, et nous ne les partageons pas forcément tous. Cependant, nous nous insurgeons qu'il lui soit reproché de les avoir exprimés.»
Un conseil de discipline doit prochainement se réunir pour statuer sur son avenir professionnel.