Noam Anouar en conseil de discipline : suspension de 6 mois ferme sans paie, 18 mois de sursis
Le policier Noam Anouar paie lourdement ses prises de parole syndicales, notamment sur le plateau de BFMTV : selon ViGi-Police, le ministre de l'Intérieur a «demandé sa tête» en conseil de discipline. Il est suspendu six mois sans salaire.
Le policier du syndicat ViGi, Noam Anouar, notamment connu pour ses prises de parole musclées sur les plateaux en faveur d'une police républicaine, est passé en conseil de discipline à la préfecture de police de Paris le 5 février en compagnie de son avocat et du député insoumis François Ruffin.
Noam Anouar était officiellement convoqué pour manquement à son devoir de réserve depuis août 2017, «au lendemain de [son] entrée dans le syndicat ViGi». La convocation avait été reportée plusieurs fois au fil des mois par la préfecture de police de Paris, mais après une intervention de l'intéressé sur le plateau de BFMTV le 14 janvier, la convocation en conseil de discipline a cette fois trouvé une date ferme et définitive : le 5 février 2020. Les propos tenus sur le plateau de BFMTV étaient somme toute assez similaires à ceux tenus par les policiers du syndicat ViGi par le passé, mais cette sortie a été visionnée plusieurs millions de fois sur Internet depuis le mois de janvier.
Noam Anouar (VIGI Police): "Le ministre de l'Intérieur et l'ensemble du gouvernement ne tiennent que grâce à la police" pic.twitter.com/rvxfUyAWYL
— BFMTV (@BFMTV) January 14, 2020
C'est du moins l'explication qu'apporte le syndicat ViGi, qui a précisé auprès de RT France que les membres du conseil de discipline avaient «confirmé» ce motif : «Le conseil de discipline a confirmé une commande de Christophe Castaner. Il a demandé la tête de notre délégué pour ses prises de parole médiatiques syndicales, qui lui ont déplu.»
Une manifestation de soutien au syndicaliste a été organisée devant la préfecture de police de Paris en début d'après-midi le 5 février au cours de laquelle la présence de Gilets jaunes a été constatée sur place.
Quelques Gilets jaunes sont là pour soutenir @NoamAnouarpic.twitter.com/OPygeNc7SX
— Antoine B (@AntoineLaBoite) February 5, 2020
Figure emblématique du mouvement, Jérôme Rodrigues a accordé un entretien à RT France pour expliquer sa venue : «Pour moi, avant d'être un policier [Noam Anouar], c'est un citoyen qui subit de la répression de la part de l'Etat, au même titre que moi et de beaucoup d'autres Gilets jaunes.»
Le GJ @J_Rodrigues_Off est venu soutenir le policier @NoamAnouar pour son conseil de discipline à la @prefpolice de Paris pic.twitter.com/2UfX21zD9Q
— Antoine B (@AntoineLaBoite) February 5, 2020
Noam Anouar a pour sa part déclaré : «Moi je suis inquiet. Aujourd'hui, tu vas manifester, tu ne sais pas si tu vas revenir avec tes deux yeux.» Et de déplorer ultérieurement auprès de RT France : «J’habite à 200 mètres de la Seine-Saint-Denis et les dealers ne se sont jamais aussi bien portés... mais apparemment la priorité [de la police] c’est de nous convoquer, Alexandre Langlois et moi.» Alexandre Langlois, secrétaire général de ViGi était convoqué par l'inspection générale de la police nationale (IGPN) le 23 janvier 2020.
A la @prefpolice de Paris, le policier @NoamAnouar de
— Antoine B (@AntoineLaBoite) February 5, 2020
@VIGI_MI , qui est convoqué pour un conseil de discipline dit son inquiétude : « tu vas manifester ajd tu ne sais pas si tu vas revenir avec tes deux yeux » pic.twitter.com/gNY2olKn9I
La présence du mouvement de la France insoumise a également été remarquée avec la venue du député François Ruffin, qui jouait le rôle d'observateur au côté de Noam Anouar pendant son audition disciplinaire.
Auprès de RT France, l'élu de la Somme est revenu sur les précédentes déclarations de Noam Anouar au sujet des violences illégitimes constatées dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre et a fustigé : «La police ne doit pas être une police du pouvoir mais ça doit être une police des citoyens. Donc il faut réinterroger : comment fonctionne l'encadrement, comment fonctionnent les formations ? Il faut qu'une confiance réciproque soit retrouvée dans la société française entre la population et la police. Mais moi, je place la responsabilité centrale du côté du bras et non pas du côté du marteau. Le bras c'est le pouvoir qui décide de taper avec le marteau.»
Le député @Francois_Ruffin de @FranceInsoumise est venu soutenir @NoamAnouar et l’accompagne pour son conseil de discipline pic.twitter.com/VEQDX5XiZg
— Antoine B (@AntoineLaBoite) February 5, 2020
Et d'estimer que la responsabilité des donneurs d'ordre dans les opérations de maintien de l'ordre «est en train d'émerger sur plan démocratique sans que ce soit le cas sur le plan judiciaire.»
Jérôme Gigou, secrétaire général adjoint du syndicat ViGi, a quant à lui évoqué l'acharnement de l'administration vis-à-vis de son organisation : «L'administration utilise tous les moyens, le conseil de discipline ou le médical pour sanctionner tous les fonctionnaires et pour tenter que notre organisation syndicale n'existe plus.» Concernant les procès en cours entre son syndicat et l'administration, Jérôme Gigou a ajouté : «On espère que la Justice sera juste et pas dirigée par le pouvoir, voire par des gens de chez nous [de la police nationale].»
Le secrétaire général adj de @VIGI_MI , Jérôme Gigou, estime que son syndicat est victime d’acharnement pic.twitter.com/ztUk5glIku
— Antoine B (@AntoineLaBoite) February 5, 2020
En fin d'après-midi, la nouvelle est tombée : la commission du conseil de discipline «a proposé au ministre» (selon les mots de Noam Anouar, car c'est ainsi que fonctionne le conseil disciplinaire) une sanction de six mois de suspension sans paie, assortie de 18 mois de sursis supplémentaires, à l'encontre de Noam Anouar. Le syndicat a fait savoir à RT France qu'un appel de cette décision était déjà prévu.
Noam Anouar a précisé aux médias présents après son long conseil de discipline que les membres de la commission n'avaient retenu comme motif de sanction que ses déclarations choc dans les médias : «Pour vos propos dans la presse on vous sanctionne lourdement parce qu'on estime que c'est incohérent avec le règlement de la police», a-t-il ainsi cité ses collègues.
Une sanction similaire à celle qui avait été demandée par Beauvau à l'encontre d'Alexandre Langlois au cours de l'été 2019, suspendu six mois sans paie, avec six mois supplémentaires de sursis.
Lors de sa convocation à un conseil de discipline le 20 février 2019, certains de ses pairs syndicalistes, notamment d'Alliance, s'étaient refusés à sanctionner un autre syndicaliste et avaient laissé le ministre de l'Intérieur trancher par lui-même, ainsi que l'avait confié Alexandre Langlois lui-même auprès de RT France. La décision était intervenue ultérieurement.
Puis après seulement une dizaine de jours de retour à son poste au mois de janvier 2020, il était convoqué à l'IGPN, ce qui lui avait fait, toujours auprès de RT France le 23 janvier, que la police des polices allait plus vite pour le convoquer lui «que des collègues qui se seraient rendus coupables de violences illégitimes au cours d'opérations de maintien de l'ordre».
A l'issue de son conseil de discipline, Noam Anouar a fait savoir aux médias présents que son camarade Alexandre Langlois devrait prochainement comparaître à nouveau devant le conseil de discipline.
Antoine Boitel