Hôpital public : «La situation est grave», alerte un responsable de l'AP-HP
Le pédiatre Rémi Salomon a indiqué que la prise en charge des patients se dégrade fortement, au risque de voir se produire un «drame». Selon lui, les coups de pouce budgétaires du gouvernement restent insuffisants pour retenir des personnels à bout.
«La situation est grave» à l'hôpital, a de nouveau alerté Rémi Salomon, pédiatre et président de la commission médicale d'établissement de l'AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), dans un entretien sur France Inter le 23 novembre.
Il a livré ce diagnostic après avoir été interrogé sur la mort d'un septuagénaire sur un brancard dans le couloir des urgences de l'hôpital de Saint-Malo le 17 novembre, et plus généralement sur l'incapacité de l'hôpital public à faire face à l'afflux de patients plus nombreux, en particulier en raison de l'épidémie de bronchiolite qui touche l'Hexagone, mais aussi d'autres maladies liées à la saison froide, telles que la grippe.
Parmi les symptômes de cette situation critique, plus de 170 patients ont été hospitalisés sur des brancards faute de place depuis le début de la semaine et plusieurs personnes nonagénaires sont restées sur des brancards pendant près de 20 heures.
«Trop de patients arrivent, et surtout [il n'y a] pas assez de personnel pour garder les lits ouverts dans les services», a expliqué Rémi Salomon à propos du débordement des urgences. Cette situation génère du «stress» chez les soignants, «qui savent qu'ils ne peuvent pas faire correctement le soin» selon lui. «Le risque, c'est qu'il y ait de temps en temps un drame», a-t-il prévenu.
"Trop de patients arrivent, mais il n'y a pas assez de personnel pour garder les lits ouverts dans les services", constate @RemiSalomon, pédiatre, chef de service à l'hôpital Necker à Paris. "Le risque, c'est qu'il y ait de temps en temps un drame" #le7930interpic.twitter.com/XePK98TeId
— France Inter (@franceinter) November 23, 2022
Les conditions de travail sont insupportables
Mettant la crise actuelle en perspective, Rémi Salomon a rappelé que la situation de l'hôpital public était déjà très difficile avant le Covid-19 : dans le cas de la pédiatrie, des nourrissons «quittaient la région parisienne car on n’avait pas assez de places», a-t-il souligné. La crise du coronavirus a ensuite aggravé les choses, puisque «l'hôpital n’a pas été consolidé» après cet épisode.
Commentant les différents plans du gouvernement pour remédier à la crise, dont le Ségur de la santé ou encore les récentes enveloppes débloquées par le ministre François Braun face à la crise actuelle, Rémi Salomon a reconnu qu'«il y a eu beaucoup d'argent», mais que cela reste notoirement insuffisant.
«On a pris tellement de retard. Ça fait quinze ans au moins que chaque année, le Parlement vote le budget de l'hôpital de la Santé. Et chaque année, il manque [de l'argent]. [...] On ne calcule pas ce budget en fonction de ce dont on a besoin, ce qui serait logique, mais [...] en fonction d'un indice financier», a-t-il détaillé.
«Au fil du temps, et c'est probablement de l'ordre d'un milliard d'euros qui manque chaque année», a-t-il estimé, rappelant que les augmentations de salaires accordées aux infirmières n'avaient pas permis de rattraper la moyenne européenne. Au-delà des salaires, «on a diminué les effectifs», ce qui fait que «les conditions de travail sont insupportables» pour le personnel, a fustigé Rémi Salomon. Ce qui explique, selon lui, les nombreux départs des soignants, vers le privé ou une reconversion professionnelle.
S'agissant du «tri des patients» qui a été au centre d'une polémique entre les soignants et leur ministre, le pédiatre a expliqué que le principe reste de prendre en charge tous les patients, enfants ou adultes, mais qu'il était parfois nécessaire «de faire de la place dans les services» en déprogrammant certaines opérations, ce qui est «une forme de tri», a-t-il reconnu.
Face à la gravité de la situation actuelle, l'AP-HP a déclenché le 22 novembre le niveau 2 du plan «hôpital en tension», qui prévoit entre autres de nombreuses déprogrammations d'opérations non urgentes. Les soignants n'auront aucun répit puisque les passages aux urgences et les hospitalisations pour bronchiolite ont rebondi en France «à des niveaux très élevés», selon le constat des autorités sanitaires ce 23 novembre, après un infléchissement lié aux vacances scolaires de la Toussaint.