Climat, commerce et mer d’Azov s’invitent à Buenos Aires pour le 10e sommet du G20
Les 20 premières puissances économiques mondiales se rencontrent en fin de semaine en Argentine dans un climat de tensions multiples. Réchauffement climatique, guerre commerciale et crise russo-ukrainienne devraient dominer les débats.
Du 30 novembre au 1er décembre, les chefs d'Etat et de gouvernement des vingt premières puissances – 19 Etats et l'Union européenne, pesant 85% du produit intérieur brut mondial – se réuniront à Buenos Aires. Le sommet se déroulera dans un centre de congrès au bord du Rio de la Plata, dont l'estuaire sépare l'Argentine de l'Uruguay, dans une zone coupée du reste de la ville par une autoroute, une voie de chemin de fer, un cimetière et des cordons de policiers. 24 000 membres des forces de l’ordre protégeront la séance plénière et les sessions «portes fermées» des manifestations annoncées dans la capitale argentine, pays frappé par une crise économique et une inflation annuelle de 45%.
A quelques heures de l’arrivée des dirigeants, on est loin de l'union sacrée affichée en novembre 2008 lors du tout premier sommet des dirigeants du G20 à Washington. Le communiqué final vantait alors le multilatéralisme pour apporter la prospérité au monde secoué par la crise financière. Dix ans plus tard, le multilatéralisme est mis à mal, notamment par la politique «America First» (l’Amérique d’abord) de Donald Trump qui s’est retiré de deux accords internationaux majeurs : le JCPOA ou accord sur le programme nucléaire iranien et l’accord de Paris sur le climat signé à l’issue de la conférence COP 21, le 29 janvier 2016.
Il apparaît peu probable que soient entendues les propositions pour faire avancer la lutte contre le réchauffement climatique, que la France entend défendre à Buenos Aires, avant l’ouverture le 2 décembre la grande conférence climatique COP24 en Pologne. D’autant moins que les relations entre le président de la République française et le président des Etats-Unis semblent avoir atteint un plus bas niveau depuis les célébrations du 11 novembre en France et une bordée de tweets sarcastiques lancés publiquement à l’attention du premier par le second.
Affrontement sino-américain sur le commerce
Sur le front de la guerre commerciale, les signes d’apaisement se font attendre. L'escalade de représailles douanières entre Pékin et Washington fait déjà tanguer l'économie mondiale et Donald Trump a réitéré sa menace de taxer l'intégralité des marchandises chinoises importées aux Etats-Unis. Le 19 novembre, à Port-Moresby en Papouasie-Nouvelle Guinée, le sommet de la Coopération économique Asie-Pacifique (Apec) a fini dans une impasse, sans communiqué final, après des échanges houleux entre les représentants américains et chinois. Mais le 26, le président des Etats-Unis a fait savoir qu'il voyait une «bonne chance» qu'un accord soit conclu avec Pékin sous certaines conditions.
En attendant une réforme de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) que Donald Trump accuse d’être défavorable aux Etats-Unis, le président étatsunien retrouvera Enrique Pena Nieto et Justin Trudeau, respectivement président du Mexique et Premier ministre du Canada. Aux termes de négociations bilatérales séparées sous forte pression des Etats-Unis, ces deux pays viennent de conclure avec les Etats-Unis un accord de libre-échange censé succéder à l’Alena. Mais sa signature reste suspendue à des hésitations de dernières minutes d’Ottawa. La chaîne publique Radio-Canada laisse même entendre que Justin Trudeau pourrait refuser de poser lors de la traditionnelle photo de famille pour ne pas être vu en compagnie de Donald Trump.
Annulation de la rencontre Poutine-Trump
Le président américain a annoncé le 29 novembre au soir qu'il annulait sa rencontre avec le président russe Vladimir Poutine. Celle-ci devait se tenir en marge de la réunion du G20 en Argentine et aborder la question de la crise ukrainienne, qui a récemment connu un regain de tension en mer d'Azov.
«En partant du fait que les navires et les marins n'ont pas été retournés par la Russie à l'Ukraine, j'ai décidé qu'il serait mieux pour toutes les parties concernées d'annuler ma rencontre préalablement prévue en Argentine avec le président Vladimir Poutine. J'ai hâte [de participer] à un nouveau sommet constructif dès que cette situation sera résolue !», a tweeté le président américain.
Le président des Etats-Unis avait déjà émis des doutes quant à cette réunion, notamment lors d'un entretien accordé au Washington Post le 28 novembre : il avait alors dit qu'il annulerait «peut-être» son tête-à-tête avec son homologue russe.
Donald Trump fait référence au regain de tensions entre Kiev et Moscou depuis le 25 novembre, date à laquelle les gardes-côtes russes ont arraisonné trois navires de guerre ukrainiens en mer Noire, non loin de la péninsule de Crimée. C'est l premier incident militaire entre Moscou et Kiev depuis le début du conflit armé dans l'est de l'Ukraine entre forces ukrainiennes et les séparatistes.
L'Europe arrive fragilisée et désunie
Les dirigeants européens affrontent ce sommet désunis et parfois en difficulté à domicile. C’est le cas du président français Emmanuel Macron qui fait face à un fort mouvement de contestation sociale lié aux taxes sur le carburant et la question du pouvoir d’achat. L’avenir politique du Premier ministre britannique Theresa May est quant à lui suspendu à un vote de la Chambre des communes sur l’accord de Brexit négocié avec l’Union européenne.
La chancelière allemande Angela Merkel qui a annoncé à la fin octobre qu’elle ne se représenterait pas à la présidence de son parti, la CDU est, elle, préoccupée par les questions commerciales. L’industrie automobile allemande est en effet régulièrement menacée par Trump de nouvelles taxes et le locataire de la Maison Blanche a accusé l’Allemagne, lors du dernier sommet de l’OTAN à Bruxelles en juillet dernier d’être «contrôlée par la Russie» en raison de la part très importante du gaz fourni que lui fournit le géant russe Gazprom. Elle constitue en effet 75% de l’approvisionnement Berlin.
Quant à l’Italie, elle est représentée pour la première fois au G20 par Guiseppe Conte, nouveau président du Conseil, alors que son pays est en délicatesse avec la Commission européenne en raison de sa politique budgétaire. Sur la question des migrations dont le rythme s’est emballé en Europe ces dernières années, souvent en raison de conflits comme en Libye et en Syrie, le dirigeant européen est plus proche des positions de Washington que de celles défendues par Bruxelles.
Le sommet de Buenos Aires devrait en outre être l’occasion d'une rencontre en le président turc Recep Tayyip Erdogan et le prince héritier d'Arabie saoudite Mohamed Ben Salmane (MBS) qui en aurait fait la demande, selon Ankara. Possédant la deuxième armée de l'OTAN en nombre d'hommes derrière celle des Etats-Unis, la Turquie joue une partition unique qui n'exclut pas des relations diplomatiques étroites avec le couple franco-allemand et surtout la Russie dans le cadre du règlement du conflit Syrien.
L’Arabie saoudite sera représentée par MBS, mis en difficulté au niveau international en raison de l’assassinat en Turquie du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Bien qu’innocenté par la justice du Royaume, laquelle a condamné à mort cinq exécutants, le dirigeant arabe se retrouvera sous forte pression de son ultime protecteur, Donald Trump qui plaide pour des prix bas du pétrole sur les marchés mondiaux. Ce dernier compte pour cela sur l’action de l’Arabie saoudite qui a, au contraire, fin 2016 négocié avec la Russie une réduction de sa production afin de faire remonter les cours du brut dont l’Arabie saoudite dépend pour près de 90% de son budget.
¡Bienvenido, Mohammed bin Salman!
— G20 Argentina 🇦🇷 (@g20org) 28 novembre 2018
El príncipe heredero de #ArabiaSaudita 🇸🇦 ya está en la #Argentina para participar de la #CumbreG20.
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Welcome, Mohammed bin Salman!
The Crown Prince of #SaudiArabia 🇸🇦 is already in Argentina to participate in the #G20Summit.#G20Argentinapic.twitter.com/wFqlPQqWx8
Jair Bolsonaro, le grand absent
Pour l’Asie, en plus du président chinois, Xi Jinping on retrouvera l’homme fort de l’Inde, Narendra Modi et, entre autres, le premier ministre japonais Shinzo Abe au pouvoir depuis septembre 2006 en dépit d’une interruption entre 2007 et 2012. Pour l’Amérique latine on devrait surtout remarquer un grand absent : Jair Bolsonaro. Le futur président du Brésil, élu il y a moins d’un mois, ne sera pas encore entré en fonction et devra donc laisser sa place à Michel Temmer, particulièrement impopulaire et impliqué dans de nombreuses affaires de corruption. Une occasion ratée pour les dirigeants européens notamment allemand et français de faire avancer les négociations sur l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur. Ce projet rejeté par une partie des paysans européens n’a pas semblé intéresser le futur président du Brésil.
Cité par l’AFP, Jorge Faurie le ministre argentin des Affaires étrangères, a déclaré ce 28 novembre attendre un communiqué final qui tâche de promouvoir une vision «rationnelle et positive» du commerce international. Sans préjuger de l’issue de cette dixième édition du G20, elle peinerait à être moins consensuelle que celle du G7 au Canada en juin dernier. A peine installé dans l’avion du retour Donald Trump avait annoncé qu’il retirait sa signature du communiqué final en réponse aux déclarations de Justin Trudeau qu’il avait jugé «malhonnête et faible».
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